MILLE ET UNE NUITS 2


 

Création le 10 décembre 2021

Cette recension fait suite à :

https://caucasekersco.blogspot.com/search/label/a%2085%20-%20MILLE%20ET%20UNE%20NUITS

Les illustrations de Virginia Frances Sterrett sont extraites de :

http://m-ogre.blogspot.com/2008/04/le-portefaix-et-les-dames.html


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LE PORTEFAIX ET LES DAMES

Il était une fois, en la ville de Baghdad, un homme célibataire qui était un portefaix. Un jour qu’il se tient, allongé sur le sol,  sur la place du marché, une femme élégante s’arrête devant lui, l’observe et soulève son voile. Elle lance d’une voix suave :
- Ô portefaix, prends ta hotte et suis-moi. 

La dame fait ses courses : vin clairet, fruits, viande, friandises, tout cela dans la hotte qui s’alourdit. Ils atteignent une belle demeure. Une jeune fille de beauté parfaite ouvre la porte : c’est la jeune sœur de l’acheteuse. Ils arrivent dans un salon, où une nouvelle beauté est couchée dans un lit ; elle remet au portefaix une pièce d’or. Mais l’homme est fasciné et ne bouge pas. Il reçoit une deuxième pièce d’or …

Le portefaix et les trois sœurs fraternisent pendant le repas pris en commun. Puis ils se livrent à des jeux amoureux. À tour de rôle, ils plongent dans la piscine en riant. Puis ils décident de passer la nuit, quand frappent à la porte trois mendiants borgnes qui, après le repas, jouent de la musique. On frappe de nouveau à la porte : c’et le khâlife Haroun al-Rachîd et son Vizir, qui ont entendu la musique, et qui se font passer pour des marchands de Mossoul.

Ils assistent à un épisode bizarre : l’une des filles se met à battre deux levrettes, puis les embrasse, chante, se dévêtit en montrant son corps marqué de traces de coups de fouets, et enfin s’évanouit ! Les hôtes sont interloqués, mais ils avaient promis de ne pas poser de questions. Ils s’étonnent pourtant auprès de l’une des sœurs, qui devient furieuse, et appelle à son aide à sept esclaves noirs, sortant d’une armoire, le sabre nu à la main. Avant de faire tuer ses hôtes, elle veut savoir qui ils sont vraiment.

 

Qalandars au XIXème siècle
 

HISTOIRE DU PREMIER DERVICHE QALANDAR

Un jour qu’il se trouve en visite chez son oncle, il rencontre son cousin qui veut lui confier un secret. Il lui présente une femme :
- Tu pénétreras avec cette femme  dans le mausolée du cimetière …
Le cousin les suit avec un sac de plâtre et un récipient rempli d’eau. Il creuse le sol et dégage un souterrain. Il y fait descendre la femme et, avant d’y descendre lui-même, demande au derviche d’obturer le passage, ce qui est fait. Le lendemain, le derviche prend cette aventure pour un mauvais rêve,  mais ses recherches pour retrouver la sépulture sont vaines. À peine a-t-il regagné la cité où son père règne, qu’il est arrêté et conduit chez le vizir. Celui-ci avait été blessé involontairement par le derviche dans les circonstances suivantes : le derviche aimait tirer les oiseaux à l’arbalète. Un jour, il voit un oiseau, tire et blesse malencontreusement le vizir qui reçoit dans l’œil le projectile destiné à l’oiseau.

Dès sa réception chez le vizir, celui-ci lui enfonce le doigt dans l’œil et l’arrache ! Il le fait enfermer dans un coffre, et le fait envoyer dans le désert pour le tuer. Mais le derviche attendrit son bourreau, et a la vie sauve. Il gagne la cité où gouverne son oncle, qui lui raconte la disparition de son fils. Ils finissent par aborder au mausolée introuvable. Ils dégagent l’escalier, et arrivent à une salle où ils découvrent les deux cadavres carbonisés. L’oncle avoue au derviche que les deux personnes sont frère et sœur.

De retour, ils constatent que la guerre fait rage : les troupes du vizir ont envahi la ville et ont tué l’oncle. Le « derviche » s’enfuit, prend les vêtements d’un vrai derviche et va à Baghdad où il rencontre deux autres derviches, avant de frapper à la porte des sœurs qui sont étonnées de ce récit et le libèrent. Mais ce dernier veut entendre l’histoire des deux autres derviches.

 

HISTOIRE DU DEUXIÈME DERVICHE QALANDAR

Il est fils de roi, et un jour, le souverain de l’Inde l’envoie chercher. Il part à la tête de six convois  et rencontre en chemin des coupeurs de route, qui tuent toute l’escorte et s’emparent du butin. Le jeune homme erre pendant un mois, et arrive à une ville dont le roi est l’ennemi de son père. Il rencontre un tailleur sympathique qui lui conseille d’aller couper du bois pour assurer sa subsistance. Une année passe ainsi de la sorte. Un jour, en arrachant les racines, il découvre une porte en bois, qu’il ouvre, et se trouve dans une demeure souterraine, où il aperçoit une belle jeune fille, qui y est resté enfermée depuis 25 ans, et qui lui raconte son histoire : la nuit de ses noces avec son cousin, un ifrite, cousin de Satan, l’enlève dans les airs, l’enferme dans cette salle, et revient la voir tous les 10 jours.

Ifrite
 

Ils boivent beaucoup de vin, sans s’apercevoir que le retour de l’ifrite est proche. Le jeune homme s’enfuit, mais en oubliant ses chaussures que l’ifrite découvre. Il fouette la fille. Le lendemain, le tailleur lui signale qu’un vieillard a rapporté les chaussures ! Et ce vieillard, c’est l’ifrite … qui l’enlève dans les airs, et le conduit chez la fille. Les deux jeunes gens prétendent ne pas se connaître ; alors l’ifrite tranche les deux mains de la fille, et la tue.

L’ifrite demande au jeune homme quel châtiment il préfère.  L’autre lui raconte l’histoire de l’envieux et de l’envié : deux voisins dont l’un envie l’autre ; celui-ci abandonne sa demeure et va s’installer dans une autre ville. Il y vit dans la pauvreté et rassemble des novices pour faire de même. L’envieux en entend parler et va rencontrer le nouveau pauvre. Il le jette dans un puits, qui se trouve être habité par des djinns. Ceux-ci lui conseillent d’aller arracher 7 poils blancs à un chat noir. Or le sultan vient rendre visite à l’envié pour lui demander ce qu'il faut faire pour obtenir la guérison de sa fille. Très simple : il brûle les poils blancs devant la fille, qui retrouve la raison. Le sultan donne alors sa fille en mariage au jeune homme qui devient vizir, puis sultan. Quand l’envieur vient le trouver, il lui donne une importante somme d’argent.


L’ifrite ne s'intéresse pas à cette histoire et  enlève le jeune homme, l’abandonne sur une montagne, et lui jette un sort qui le fait devenir un singe. Celui-ci marche longuement jusqu’à la côte et monte à bord d’un navire. Le capitaine devient son ami. À l’escale suivante, tous les passager doivent écrire leur nom sur un rouleau de papier. Le singe y écrit un poème, qui est envoyé au roi. Celui-ci l’invite à un repas et à un jeu d’échecs, dont le singe gagne deux parties sur trois. La fille du roi connait l’histoire du jeune homme : une vieille femme perfide, mais magicienne, l’a initiée aux secrets de la sorcellerie. La fille engage un combat contre un ifrite, les deux changeant de nature d’animal, jusqu’à ce qu’elle arrive à tuer l’ifrite, mais seulement après que celui-ci ait aveuglé le singe par un jet d’étincelles, qui lui fait perdre un œil. La fille meurt dans les flammes, et le singe redevient homme. 

HISTOIRE DU TROISIÈME DERVICHE QALANDAR

Son père, un roi  de haute dignité et de grande puissance, meurt un jour, en lui laissant le pouvoir. Sa capitale, en bord de mer, possède une flotte de plaisance, une flotte commerciale et des navires de guerre. Il part avec une petite flotte qui subit une effroyable tempête nocturne. Le lendemain, tout redevient calme, mais une masse noire apparaît à l’horizon. La vigie confirme que c’est une montagne noire, entièrement faite de roches métalliques appelées « pierres d’aimant ». Les substances qui composent ce minerai ont le pouvoir d’attirer les navires jusqu’au pied de la montagne. Là, en un instant, toutes les pièces qui contiennent solidement le bâtiment se trouveront disjointes comme par enchantement. Cette montagne est à présent couverte de morceaux de fer. Au sommet s’élève un dôme en cuivre, surmonté par un cavalier. Ce cavalier est responsable de tous les naufrages, et, s’il est mis à bas, tous les hommes se trouveront délivrés de la menace qu’il ne cesse de faire peser sur eux.

À proximité du rocher, le navire se disloque. La plupart des marins se noient. Le roi s’aggripe à une planche qui s’échoue au pied d’un escalier taillé dans la montagne. Au sommet, il s’endort, et fait un songe, qui lui révèle la présence d’un arc et des flèches pour tuer le fameux cavalier. Alors la montagne sombrera dans l’océan et une barque viendra le repêcher. À son réveil, il tue le cavalier, la montagne s’effondre dans l’océan, et la barque vient le recueillir. Dix esclaves en descendent et se mettent à creuser un caveau où ils entassent tout un mobilier qui se trouvait dans le bateau. Au dernier voyage, ils reviennent avec un vieillard accompagné d’un jeune garçon. Ils laissent le jeune homme dans le souterrain dont ils obstruent l’ouverture. Puis ils repartent en bateau. Alors le roi rouvre le souterrain et se trouve en face du sympathique jeune homme  dont il est écrit par les astrologues qu’il le tuerait !  C’est ce qui se passe : pour couper un melon, le roi monte sur une étagère pour trouver un couteau. Par maladresse, il le laisse échapper et le couteau tue le jeune homme en plein cœur. Le père du jeune homme revient le chercher, et laisse éclater sa douleur.

Le niveau de l’eau baisse : le roi en profite pour aller vers un palais lointain. Il y rencontre une petite troupe de dix jeunes homme, tous borgnes de l’œil droit. Il veut savoir pourquoi, même sous peine de malédiction. OK ! On le fait entrer dans une outre, qu’un oiseau géant enlèvera dans le ciel et déposera devant un palais. Le roi crève la peau de l’outre et pénètre dans le palais. Quarante belles dames y logent, ce sont toutes des filles de rois. Elles doivent faire un voyage et laisser le roi seul ; le palais comporte cent chambres, dont l’une est strictement interdite ; poussé par sa curiosité, le roi tente la visite et pénètre dans la chambre : il y trouve un cheval et veut le monter : d’un battement de queue, le cheval crève l’œil droit du  roi !

Revenons à la maison où les jeunes femmes ont reçu les trois qalandars qui veulent connaître l’histoire de leurs compagnons. Le Khalife se révèle alors, et demande aux jeunes femmes de raconter leur histoire. L’une prend la parole : une de ses soeurs a été abandonnée dans un pays lointain par son mari et est revenue en mendiante ; l’autre sœur a subi le même sort. Son odyssée est encore plus étonnante : un de ses voyages avec ses deux sœurs, aboutit à une ville où tous les habitants sont transformés en pierres, sauf un jeune homme dont elle tombe amoureuse.

Les deux sœurs sont jalouse, au point de les jeter à l’eau pendant leur sommeil au voyage de retour ; le jeune homme se noit. Elle se réveille et nage jusqu’au rivage.Elle rencontre un serpent qui veut manger un deuxième serpent. Elle prend pitié de celui-ci et tue l’assaillant ; puis elle s’endort. À son réveil, elle voit une esclave noire (le serpent) qui a transformé les deux sœurs jalouses en chiennes ; et elle oblige la fille d’infliger tous les soirs à ses sœurs de 300 cents coups de fouet.


Le Qalandariyyah (en persan : قلندریه, ourdou : قلندریہ, hindi : क़लन्दरिय्या, bengali : ক়লন্দরিয়্য়া), est un courant du soufisme. Les personnes faisant partie de cette branche du soufisme sont principalement des derviches soufis. La particularité des Qalandarī — ou Qalandar — est un mode de vie prônant l'ascèse, la débauche voire la provocation mais surtout une extrême liberté. Apparus au XIe siècle, des Qalandar se sont succédé particulièrement dans les pays du grand Khorassan ainsi que du sous-continent indien.