MOINES AU PROCHE ORIENT 1

 


 Création le 21 mai 2021

Jules Leroy est un écrivain spécialiste du Moyen Orient, en tant qu’historien et orientaliste. Moine de l'Abbaye bénédictine Saint-Pierre de Solesmes (1922-1934 ; ordonné prêtre en 1929) ; Prêtre du Diocèse de Paris (à partir de 1934) ;  Maître de recherche au Centre national de la recherche scientifique (1968-1970 ; attaché de recherche, 1956-1961 ; Chargé de recherche, 1961-1968). Professeur à Paris (1934-1954).

Il a publié aux éditions Horizons de France en 1957 le livre « Moines et Monastères du Proche-Orient » dont voici la recension de deux chapitres : Liban et Égypte.

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 AU LIBAN

Le Liban est né de la volonté des hommes. En fixant en 1920 les limites du Grand Liban, proclamé République en 1926, le Général Gouraud n’a fait que consacrer une longue aspiration de ses habitants à l’indépendance, souvent revendiquée d’une manière héroïque. Il apparaît comme un jardin de verdure, sur lequel plane des nuages. À l’Orient brûlé de soleil, le Liban offre la fraîcheur de ses collines, de ses ruisseaux, l’ombre de ses forêts de sapins, de sycomores, de figuiers sauvages et de pins parasols. En choisissant le cèdre comme emblème, la jeune République a pris un symbole conforme à la réalité, un paradis pour les touristes des pays environnants.

                           Cloitre Deir Balamend

Le paysage libanais est semé de chapelles, d’églises, d’ermitages et de monastères. Le moindre village possède un ou plusieurs sanctuaires. Mais la voix des cloches ne fait pas taire celle des muezzins. Le Liban est un véritable microcosme de l’Orient croyant. 

Dans un territoire de 10 000 km2 vivent une dizaine de communautés chrétiennes et de sectes musulmanes. C’est le seul pays au monde où le principe de la représentation confessionnelle est appliqué avec une rigueur mathématique.

 Quelques rappels de l’histoire libanaise sont nécessaires pour comprendre ce cas unique dans l’univers. Les Phéniciens, lointains ancêtres des modernes Libanais, dont on ne conteste pas l’habileté commerciale, lancent leurs navires de haute mer sur les îlots de la Méditerranée, passent les colonnes d’Hercule, abordent jusqu’en Angleterre … À peine changée par la conquête romaine, la situation connaît un bouleversement total par l’irruption des Arabes au VIII ème siècle. L’histoire libanaise est constituée par les luttes entre minorités. Mais lorsqu’en 1305, les Mamelouks attaquent le Liban, aussi bien les Druzes que les Maronites y font face.

En 1585, l’émir Fakhreddine, surnommé le « Grand Émir de la Montagne » crée des milices, embellit les villes, assure la sécurité, développe l’agriculture et fait disparaître à son profit les féodalités locales. Puis le Liban continue à s’administrer sous la direction de la dynastie des Chéhab, que la France soutient. Mais c’est seulement en 1788 que Béchir II parvient à redonner au Liban la puissance  et la prospérité. Mais il est contraint de s’exiler à Constantinople.

Puis au XIX ème siècle, les Turcs dressent les Musulmans contre les Chrétiens. surtout en 1860. En 1919, lors de la Conférence de la Paix, toute la population confie au Patriarche maronite, Mgr Hoyek, la mission de réclamer la reconnaissance de l’autonomie et des frontières géographiques du Grand Liban. La nation maronite doit son origine  à saint Maroun au IV ème siècle. Les maronites furent longtemps persécutés, ils durent émigrer ou se réfugier dans les montagnes. Austères et hospitaliers, les moines ont de bonnes relations avec la papauté. Ils apprécient et réclament l’amitié avec la France.


                                      Moine maronite

Un des côtés frappant des monastères est qu’ils entretiennent dans leurs couvents, ou à côté, des écoles très peuplées. Une jeunesse turbulente apporte avec elle dans ces lieux de silence une animation et un bruit dont s’accomodent très bien les moines, parce que leurs fondateurs ont fait d’eux des missionnaires.

Les moines s’intéressent aussi beaucoup à l’imprimerie. Ils introduisent et favorisent au Liban la première imprimerie en caractères arabes en 1731…

 


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EN ÉGYPTE

 L'Égypte se flatte d'offrir l'exemple de la plus ancienne civilisation. Mais aussi elle a été le berceau du monachisme chrétien : On considère Antoine comme l'initiateur d'une forme de vie ascétique qui dure jusqu'à maintenant.

  

Antoine le Grand, également connu comme Antoine d'Égypte, Antoine l'Ermite, ou encore Antoine du désert, est un moine considéré comme le père du monachisme chrétien. Sa vie nous est connue par le récit qu'en a fait Athanase d'Alexandrie vers 360. Il serait né vers 251 et mort vers 356 à l'âge de 105 ans, entre les bras de ses deux disciples, Macaire l'Ancien ou Macaire d'Égypte et Amathas.  

Il est souvent représenté accompagné de son cochon : au Moyen Âge, une épidémie du bétail a été guérie par l'invocation de saint Antoine. Sa prédilection a été de suivre ce passage de l'Évangile : "Si vous voulez être parfaits, allez vendre ce que vous avez, donnez-en le prix aux pauvres et vous aurez un trésor dans le ciel".  C'est ce qu'il fait et attire de nombreux disciples. On a souvent dit de ce christianisme égyptien (copte) qu'il n'était qu'une suite des croyances anciennes égyptiennes, à ceci près que les trésors amassés dans les tombes pour l'éternité sont devenus "encombrants" parce qu'ils alourdissent la marche vers la libération de l'âme.

                            Fresque de Saint Antoine
 

Les pélerins et voyageurs s'aventurant en Égypte ont produit une abondante littérature spirituelle qui a imprégné toute la mentalité du Moyen Âge, tant en Orient qu'en Occident. Deux régions avaient la faveur des voyageurs : l'une en Basse Égypte dans le désert qui borde immédiatement la branche occidentale du Delta, une immense étendue de sable. Plus au sud, à deux jours de marche, les ascètes vivant isolés en cellules se réunissaient à la fin de chaque semaine pour les offices du dimanche.

 

 
 

 
 Avant l'invasion arabe, un réseau ininterrompu de couvents coptes reliaient Alexandrie à Assiout, à quelque 700 km des bouches du Nil. Les édifices et leur ornementation étaient une nécessité de la vie monacale se déroulant dans des offices solennels et des rites majestueux. Le génie copte a donné toute sa mesure en multipliant chapiteaux, niches, frontons.  
 
Cette période heureuse du Monastère de Saint Antoine est inopinément interrompue à la fin du XVème siècle : une nuit de 1484, les domestiques musulmans tuent les moines, et mettent à sac les bâtiments déserts. Ils seront reconstruits 60 ans plus tard, et depuis lors, la vie monastique n'a plus été interrompue. 

L'amour des livres paraît avoir abandonné les moines à partir du XIIème siècle. Cependant, au XVème siècle, on répare les livres en mauvais état. Dès le XVIIème siècle, il se produit un transport des manuscrits vers le Vatican et le British Museum.

                  Présentation d'un manuscrit copte