« Je ne voulais pas écrire les mémoires d’un chanteur évoquant les bons et mauvais moments de sa carrière ou les détails de sa vie privée. Mon intention était de traiter, en quelques tableaux, mon enfance, mes débuts difficiles ou les femmes de ma vie, et de consacrer l’essentiel du livre à des moments insolites, souriants, parfois dramatiques, dont je ne suis pas forcément le protagoniste essentiel. » (Charles Aznavour - 2003)
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Né le 22 mai 1924 à Paris et décédé le 1er octobre 2018 à Mouriès, dans les Bouches-du-Rhône, Charles Aznavour est l’un des plus célèbres chanteurs français du XXe siècle. S’il se produit tôt dans les théâtres et cabarets de la capitale, c'est finalement dans les années 1960 qu’il rencontre ses premiers grands succès.
Charles Aznavour, c’est près de 50 ans de carrière, plus de mille chansons interprétées et enregistrées, des dizaines de succès populaires …
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Charles Aznavourian est né au bout du voyage de l’enfer. Ses parents réussissent à embarquer à Istanbul sur un bateau qui les débarque à Salonique. où sa sœur vient au monde. Pour cela, on la prénomme Aïda ! Puis en route pour Paris, une étape vers les États-Unis ; le visa n'étant obtenu qu'au bout d’une année, sa mère préfère alors rester en France. Et voilà pourquoi Charles Aznavour est français. Toute la famille loge dans 20 mètres carrés.
Charles fait sa première apparition en public à 3 ans de manière impromptue : il traîne dans les coulisses avec sa sœur, entr’ouvre le rideau d’avant-scène et se retrouve face au public. Il a l’idée de faire une récitation en arménien, et il est applaudi par le public.
Son père avait une véritable passion pour la musique tsigane. Il avait fait venir spécialement de Budapest un orchestre tsigane qui jouait dans son restaurant. La dépression des années 1930 met fin à tout cela.
En 1933, il propose ses services au Théâtre du Petit Monde, qui produit des spectacles pour les enfants ; il a une audition où il exécute une « danse russe » …
La famille Aznavourian est une famille d’artiste, et vit en partie de ses cachets. Charles et sa sœur ont maintenant conscience d’être devenus des professionnels.
Les Arméniens ont la réputation d’être forts en affaires : « Il faut deux Juifs pour battre un Arménien ». tout simplement, Aïda et Charles seront parmi les premiers Français qui ont chanté à la télévision privée …
Et c’est la guerre, l’occupation, le père mobilisé qui réussit à ne pas être prisonnier, les marchés où l'on vend du saucisson pour vivre, où l'on transporte des armes dans des poussettes d'enfant, où l'on risque l'exécution si on est ramassé la nuit par une patrouille, lorsqu'un attentat s'est produit dans le quartier.
Une bande de copains se forme, en quête de contrats pour se procurer quelques francs ... On rencontre des personnalités du spectacle, et même Edith Piaf, une femme qui aime bien avoir sa cour ... Elle part aux États Unis, et Charles va la rejoindre avec les moyens du bord, sans billet de retour et sans visa. Explication avec la police des frontières !
Avec Edith, il ne faut se tromper sur rien, qu'il s'agisse d'un film, d'une pièce de théâtre, d'un livre ou d'un restaurant. Elle est partie au Canada ... va pour le Canada. Les Canadiens français apprécient les spectacles de Charles, ce qui le renfloue financièrement.
Suivent pêle-mêle ses rapports avec Piaf, avec les femmes, avec ses collègues de spectacle, son accident de voiture, ses cordes vocales, ses démélés conjugaux.
Ensuite un retour sur lui-même : "Quand on vient de nulle part et que le succès s'accroche soudainement à vos basques, deux maladies vous guettent au tournant : la grosse tête et la folie des grandeurs" : voitures, chevaux, pianistes ... Puis il commence à gagner confortablement sa vie. Dernière épreuve, celle du Tout-Paris : il chant
- À dix-huit ans, j'ai quitté ma province ...
- Je m'voyais déjà en haut de l'affiche ...
Silence glacial, et le bruit des fauteuils qui claquent : c'est la fin ? Mais non, c'est une ovation à tout rompre.
Il n'a que trente trois ans. En vrac, il dévoile ses souvenirs, certains cocasses : il rencontre dans le train une belle Italienne et l'interroge sur ses projets : "Je vais chier !" Croyant à une blague : "Ou celà ?" Réponse : "Sur les hauteurs". En fait, en Italie "sciare" signifie "skier" Elle allait skier sur les hauteurs !
De nombreux voyages internationaux (70 pays), des rencontres féminines internationales, puis un petit tour en Arménie. Il refuse de faire passer les textes de ses chansons à la commission de censure, mais son voyage est un triomphe. Son père officie en tamada ...
Le tamada est un maître de cérémonie indispensable pour tout Géorgien ou Arménien. Aucun verre ne se lève sans qu'il n'en donne l'ordre (mais c'est fréquent, car les bouteilles sont à profusion). Il se doit d'être poète, tribun, voire un peu cabotin et ses talents de chanteur sont les bienvenus.
La voix éraillée d'Aznavour fait un triomphe. Puis c'est un dernier mariage (de raison ? Mais de 39 ans de fidélité), quatre enfants, des petits enfants. C'est le destin.
Ne parlons pas de politique, ni de patrimoine. En France, c'est mal vu de gagner de l'argent, même si tout le monde se plaint de n'en pas gagner assez.
Enfin, les dernières pensées : l'âge où on commence à compter les quelques années qu'il peut nous rester à vivre. L'idée de la mort devient alors la compagne de ses jours, ou plutôt de ses nuits. Pourquoi est-il devenu ce qu'il est ? Parce qu'il se sent profondément arménien.
La terre a tremblé en Arménie. Aznavour se mobilise : il fonde l'Association "Aznavour pour l'Arménie" et il écrit sa chanson "Pour toi, Arménie".
De la faim des débuts aux succès de la fin, il quitte son public à pas lents, toute chose a une fin.
https://www.youtube.com/watch?v=LOixw5NlC7w