Création le 8 janvier 2019
Modification 1 le 8 août 2019
Gérard Dédéyan est professeur d’histoire médiévale à l’Université de Montpellier-III et membre à l’étranger de l’Académie nationale des sciences d’Arménie. Il a publié l’ « Histoire du peuple arménien » en 2008.
Le peuple arménien, vieux de trois millénaires, a vu son indépendance restaurée en 1991 à la suite de l’implosion de l’Union soviétique. Jusqu’au XIVème siècle, dans les régions montagneuses, les Arméniens se sont acharnés à défendre leur liberté contre leurs adversaires venus de l’est et de l’ouest. Le XXème siècle porte l’empreinte tragique du génocide de 1915.
Œuvre d’une équipe internationale d’universitaires de renom, l’Histoire du peuple arménien prend en compte l’importance décisive de ce dernier quart de siècle, ce qui fait de ce livre la seule étude exhaustive publiée en langue française.
Trente auteurs ont participé en 21 chapitres à cet ouvrage de plus de 900 pages …
Dix ans après la publication de ce livre, la "révolution de velours" a vu le jour en Arménie. Il est naturel qu'elle fasse l'objet d'un complément à la fin du présent article.
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1 - TERRE, PEUPLE ET LANGUE
La géographie a joué un rôle capital dans le développement de l'Arménie. Quatre aspects doivent être particulièrement mis en valeur : son emplacement, son relief, son climat et ses ressources naturelles.
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| Le mont Ararat |
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Sept grands fleuves prennent leur source sur le plateau arménien. Le trait le plus remarquable du plateau arménien est sans doute le nombre et la dimension de ses grands lacs, les plus importants d'Asie occidentale.
L'activité sismique est importante. Plus qu'aucun envahisseur, les tremblements de terre fréquents et graves sont responsables de la destruction de monuments arméniens sur le plateau. Le climat est continental, c'est-à-dire dur et extrême. Le plateau arménien est pauvre en végétation, mais c'est le paradis de la chasse. L'Arménie est surtout fameuse pour ses fruits.
Mais elle est aussi riche en minerais de toutes sortes et en sources minérales.
Géographie historique : l'Arménie peut être classifiée en deux cents districts, un conglomérat de territoires ... Hommes et langue peuvent être classés en deux types indo: est et ouest, de type indo-européen.
2 - AVANT LES ARMÉNIENS : LES OURARTÉENS, GUERRIERS ET BÂTISSEURS
Les origines de la culture ourartéenne se perdent dans la préhistoire. C'était une société essentiellement pastorale, ne laissant pas de trace d'implantation. Mais elle avait à subir les assauts des Assyriens. Alors les rois ourartéens voulaient assurer la sécurité du royaume non seulement en faisant construire des forteresses massives, mais aussi en augmentant la production agricole et en contrôlant les territoires riches en métaux.
La guerre était un bon moyen pour se procurer de la main d'œuvre supplémentaire. Des traces de nombreux entrepôts ont été découvertes ...
Les places fortes n'étaient pas seulement à usage militaire, mais avaient aussi un rôle administratif et commercial. Certaines étaient construites avec des pierres cyclopéennes.
Le dieu Khaldi était le dieu de la guerre ; les rois lui faisaient de riches offrandes en taureaux et en moutons, ou alors des lances. Environs quatre vingt autres divinités recevaient aussi des offrandes, mais quelquefois en quantité très limitée.
Par son architecture, par sa poteries rouge et brunie et dans la plupart de ses œuvres en métal, la civilisation matérielle de l'Ourartou possédait son caractère propre.
Le royaume de l'Ourartou tomba finalement au pouvoir des Mèdes en 500 avant J.-C. Se mêlant aux autochtones, les Arméniens, qui sont des indo-européens venus de l'ouest, se joignaient à d'autres nouveaux venus pour occuper la plupart des anciens territoires ourartéens.
3 - LES ARMÉNIENS ENTRE L’IRAN ET LE MONDE GRÉCO-ROMAIN
Le roi perse Darius fut le premier à mentionner l'Arménie (Armina en vieux perse) dans le cadre de ses conquêtes. Les Arméniens devaient payer un tribut en nature : 20 000 poulains par an.
C'est dans le domaine religieux que l'apport de la Perse est capital. À la veille de la conquête d'Alexandre, l'Empire achéménide donnait des signes d'étouffement. La conquête accélère un processus de dislocation favorable à l'autonomie arménienne.
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| Zoroastre |
Alexandre le Grand conquit définitivement l'Empire perse en 331, mais ne s'aventura jamais en Arménie. La période dite héllénistique (de la conquête d'Alexandre à la conquête romaine) sera marquée par un prodigieux essor de l'urbanisme dans tout le Proche Orient.
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| Tigrane II |
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Il était continuellement assisté par quatre rois vassaux ; il étonnait la haute société arménienne par son audace. Pendant son règne, il y aura héllénisation des dieux arméniens.
Au plan économique, les développements de l'agriculture et du commerce international conduisent les Arméniens à des relations suivies avec Tyr la phénicienne.
Tout a une fin. Les Romains livrent une bataille décisive aux abords de Tigranocert (capitale de Tigrane II) face à une armée supérieure en nombre. Après diverses batailles, à l'arrivée de Pompée, le vieux roi résout de lui remettre son sort. C'est à cheval, et dans tout l'appareil de la fonction royale, il se rend au camp romain. Il se prosterne devant Pompée après avoir déposé son diadème ... et devient un allié des Romains, après avoir payé un lourd tribut.
Cependant Crassus veut s'attaquer aux Parthes, et néglige les conseils d'Artawazd, le fils de Tigrane. Il subit une écrasante défaite à Carrhes, et meurt peu après. Finalement Antoine décide de mettre à mort son faux allié. Cela lui sera reproché par Auguste.
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| Temple de Garni |
Finalement Trajan annexe l'Arménie qui devient un foyer d'insurrection. Hadrien, successeur de Trajan, renonce à cette politique d'annexion de l'Arménie, qui est reconquise par les Sassanides. Cette occupation entraîne, vers la fin du IIIème siècle, une tentative de restauration du mazdéisme intégral.
C'est seulement Dioclétien qui, en 284, réussit à donner au problème arménien une solution plus durable en obtenant l'accord du roi sassanide sur le rétablissement du protectorat.
4 - AFFIRMATION DE L’ARMÉNIE CHRÉTIENNE
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| Saint Grégoire l'Illuminateur |
Désirant stabiliser son trône, le roi Terdat est convertit par Saint Grégoire l'Illuminateur. Quand il prend cette décision, Terdat n'est pas dans son état normal : métamorphosé en cochon sauvage pour son impiété, il ne recouvre son apparence humaine qu'après avoir été instruit par Saint Grégoire. Celui-ci en profite pour baptiser la famille royale, la noblesse et l'armée.
À l'origine, le Primat de l'Église arménienne est désigné comme évêque. Le rang de "Catholicos" ne sera régulièrement attribué qu'au début du VIème siècle.
Le catholicisme conduit à un âge d'or de la littérature. À la veille des persécutions sassanides, les trois nations chrétiennes du Caucase ont été simultanément dotées d'alphabets et de versions bibliques qui renforcent leur foi face aux zoroastriens, adorateurs du feu.
Suit une période troublée entre zoroastriens et chrétiens. Une révolte est le prélude à une offensive des Byzantins qui guettaient depuis longtemps l'occasion d'intervenir. Victoires et défaites se succèdent, tandis que l'Arménie perd petit à petit sa souveraineté nationale. Désormais repliée sur elle-même, la culture arménienne s'organise et se codifie. C'est ainsi que mûrit lentement l'épanouissement artistique et littéraire des VII ème et VIII ème siècles.
5 - DOMINATION ARABE ET LIBERTÉS ARMÉNIENNESÀ l'origine, le Primat de l'Église arménienne est désigné comme évêque. Le rang de "Catholicos" ne sera régulièrement attribué qu'au début du VIème siècle.
Le catholicisme conduit à un âge d'or de la littérature. À la veille des persécutions sassanides, les trois nations chrétiennes du Caucase ont été simultanément dotées d'alphabets et de versions bibliques qui renforcent leur foi face aux zoroastriens, adorateurs du feu.
Suit une période troublée entre zoroastriens et chrétiens. Une révolte est le prélude à une offensive des Byzantins qui guettaient depuis longtemps l'occasion d'intervenir. Victoires et défaites se succèdent, tandis que l'Arménie perd petit à petit sa souveraineté nationale. Désormais repliée sur elle-même, la culture arménienne s'organise et se codifie. C'est ainsi que mûrit lentement l'épanouissement artistique et littéraire des VII ème et VIII ème siècles.
Les Arabes commencent leur expansion au lendemain de la mort de Mahomet en 632. Aux grandes expéditions contre Constantinople succèdent, à partir du VIII ème siècle, une guerre de pillage plus systématique à laquelle répond l'Empire en organisant, peu à peu, la défense de l'Asie mineure.
L'Arménie est incorporée à un califat. Les conditions de la domination arabe sont plus légères que sous celles des régimes antérieurs. L'Église arménienne en profite, ainsi que les grandes familles qui se disputent le pouvoir.
Après une expédition turque, la répression est féroce. Le calife exige la conversion à l'islam, ce que beaucoup acceptent ou feignent d'accepter. Mais Byzance veut reconquérir l'Arménie, qui doit composer avec les uns et les autres, alors que la présence du pouvoir musulman crée dans les villes un marché de consommation.
6 - L’INDÉPENDANCE RETROUVÉE : ROYAUME DU NORD ET ROYAUME DU SUD
Le couronnement solennel du prince Achot Bagtatouni dit "le Grand" est traditionnellement interprêté comme l'inauguration d'une nouvelle période particulièrement brillante. Un des paradoxes est la juxtaposition de l'instabilité politique et l'épanouissement économique, artistique et intellectuel, avec le développement d'une classe intermédiaire vivant du commerce.
7 - VOCATION IMPÉRIALE OU FATALITÉ DIASPORIQUE : LES ARMÉNIENS À BYZANCE
Du IV ème siècle au XI ème siècle, l'émigration arménienne - ou diaspora - est favorisée par les Byzantins, soucieux de recruter d'excellents soldats et de ralentir l'arménisation de la région.
Au IIIème siècle, deux légions romaines, Appolinaris et Fulminata, étaient en partie composées d'Arméniens christianisés. L'Arménie mineur a donc du être une zone refuge, pour les Arméniens de l'est de l'Euphrate, mais aussi le point de départ de nouvelles migrations plus à l'ouest.
C'est sans doute Justinien qui a inauguré la transplantation forcée de soldats arméniens en Europe pour défendre la frontière du Danube menacée par des envahisseurs asiatiques originaires de Mongolie, les Avars.
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| Une partie du Trésor des Avars |
Comme les Arméniens sont spécialiste de la guerre arabe, les Byzantins les emploient en Italie du sud et en Sicile, où ils constituent une véritable minorité ethnique.
8 - LE TEMPS DE LA CROISADE (du XIème au XIVème siècle)
La vague des invasions turques a laissé des îlots d'autonomie. Une fois passées les horreurs de la conquête, le face-à-face de la population arménienne et des différents princes turcs ne sera pas forcément dramatique. La civilisation urbaine connaît un nouvel essor. Mais les Mongols arrivent, sous la conduite de Gengis Khan, et se déchaînent particulièreement contre la Géorgie orientale et ses vassaux.
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En 1300, un événement décisif se produit : les Mongols adoptent l'Islam et se déchaînent contre les Chrétiens. La paysannerie est lourdement imposée. Les déplacements massifs ou les incursions des cavaliers nomades aboutissent à la destruction des systèmes d'irrigation préservés pendant des siècles par les sédentaires. La ruine économique provoque un courant migratoire, particulièrement vers la Crimée.
La Silicie, érigée en royaume d'Arménie depuis 1198, traite d'égal à égal avec les nations d'Occident ; elle a aussi d'excellentes relations avec les Mongols. Elle devient un véritable carrefour de civilisation. Les manuscrits de Silicie laissent le lecteur émerveillé par leur beauté et leur virtuosité.
Cette brillante civilisation ne dure qu'un siècle et s'éteint avec l'arrivée des Mamelouks, mettant un terme au royaume d'Arménie.
9 - SOUS LE JOUG DES TURCOMANS ET DES TURCS OTTOMANS (XVème et XVIème siècles)
Cette période est appelée "l'âge obscur de l'histoire arménienne". La chute de Constantinople, renommée Istamboul par les Turcs, est une étape majeure de l'empire ottoman. Le corps des Janissaires devient l'unité d'élite de son armée. Les Arméniens jouent dans le nouveau système un tout petit rôle dans une période compliquée par des luttes intestines et de terribles famines. En 1554, Yérévan, la "gloire de toute la Perse", est incendiée par Soliman. Mais elle redevient une ville importante.
Istamboul devient le centre arménien le plus important du monde. Par ailleurs, les Arméniens s'intéressent à l'imprimerie, à commencer par l'impression d'une Bible en arménien.
Une famine, qui s'abat en 1599 sur la partie orientale de l'Empire ottoman, dont l'Arménie, clôt lugubrement cette période où ont régné la guerre, la faim, l'oppression et la peur. Nombre d'Arméniens préfèrent émigrer.
10 - DÉBRIS DE L’INDÉPENDANCE NATIONALE ET DIASPORA
La diaspora, due à la situation constamment menacée et dangereuse de l'Arménie, a pour résultat fréquent une judicieuse adaptation aux pays d'accueil, doublée d'un effort constant pour revivifier et enrichir la culture arménienne.
Il reste des centres de semi-indépendance, avec une majorité de population arménienne restant dans le pays. Les villes appréciées par les immigrés sont Jérusalem, les villes de Crimée qui méritent le surnom d'Arménie maritime, d'Ukraine, de Pologne. Les papes d'Avignon développent l'enseignement des langues orientales, dont l'arménien.
Mais l'immigration arménienne se développe aussi en Mongolie et en Chine, où se forment des colonies prospères.
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| Bataille de Lépante |
(La galéasse, est à l’origine une énorme galère de commerce, transformée vers 1550 en véritable forteresse de guerre. Sa longueur peut atteindre 50 m et sa largeur 7,30 m. Elle comporte 25 rangs de rameurs, occupés chacun par 7 galériens, et elle embarque 200 soldats et 36 pièces d’artillerie. En plus de son gigantisme, elle comporte aussi des canons qui tirent sur les côtés, alors que les galères n’en avaient que devant et derrière. En contrepartie, elle est très peu maniable !)
Le même Arménien, Anton Sourian, a aussi été l'inventeur d'un remède miracle durant la peste de 1575. Nulle part, néanmoins, le rôle des Arméniens ne fut plus important que dans l'Empire ottoman : architectes, médecins, musiciens, interprètes, peintres, tailleurs, etc...
11 - RENAISSANCE ARMÉNIENNE ET MOUVEMENT DE LIBÉRATION
On peut discerner deux facteurs principaux dans le renouveau amorcé au XVIIème siècle: la réactivation ou la création de centres culturels, ainsi que l'essor donné à l'imprimerie.
La passion des Arméniens pour le livre étonne un voyageur anglais : "Les Arméniens entourent la presse de la même affection et du même respect enfantin qu'un poignard ou un fusil !"
En politique, la Russie s'intéresse au contrôle du Caucase. Les Ottomans sont décidés à s'y opposer car ils souhaitent reprendre le contrôle de l'Arménie : ils signent un pacte de non-agression avec les Russes et se tournent vers les Arméniens en les obligeant à se réfugier dans la guerilla.
En matière culturelle, l'intense activité théâtrale se veut un moyen d'éducation et d'instruction. Que ce soit à Venise, à Constantinople, aux Indes ...
12 - L’ARMÉNIE ET L’ÉVEIL DES NATIONALITÉS (1800-1914)
Les centres d'impulsion politiques se situent dans la Diaspora, là où s'accomplit la lente modernisation de la société arménienne, tandis que l'Arménie est de plus en plus sévèrement soumise aux impératifs de la géopolitique.
Au début du XIXème siècle, environ 3 millions d'Arméniens ont en commun une religion, une écriture et une langue, mais sont inégalement partagés en une vingtaine de colonies dont principalement l'Empire ottoman. Partout ils sont minoritaires. Autant la classe aisée est influante, mais sans garantie réelle, autant la paysannerie, soit 90%, est une masse silencieuse et mal connue.
L'Église est le ciment des communautés arméniennes. La Russie devient le pole préférentiel. L'artisanat est en expansion. Les marchands arméniens réalisent d'immenses fortunes. Au plan politique, la secte des Mourides a pour objet la guerre sainte contre les envahisseurs infidèles. L'élection de l'imam Chamyl donne au mouridisme religieux un chef religieux qui se révèle être un véritable génie militaire. Les Russes obtiennent sa reddition en 1859.
Au milieu du siècle, Yérévan devient la capitale administrative. La renaissance arménienne se traduit par un vaste mouvement intellectuel qui touche tous les aspects de la vie culturelle.
Encore une fois, une insurrection menée par un parti populiste arménien déclenche son écrasement par le gouvernement turc en 1894/1895.
L'été 1908 marque un tournant : la révolution a pour objectif l'ottomanisation, c'est à dire un Empire modernisé où n'existeraient plus que des citoyens égaux, et pour slogan "Liberté, Égalité, Fraternité" ; elle soulève d'immenses espoirs. Les exilés politiques arméniens, bulgares, turcs, azeris, persans affluent à Constantinople ... La question arménienne n'a jamais été plus près d'être résolue.
13 - LE GÉNOCIDE DE 1915/1916 ET LA FIN DE L’EMPIRE OTTOMAN
Au Moyen Orient et au Caucase, trois forces se disputent l'Arménie :
- les puissances impérialistes ;
- les bolcheviks ;
- les nationalistes turcs.
De 1908 à 1914, l'Empire ottoman a perdu en Afrique et en Europe plus du quart de son territoire et 5 millions d'habitants. Il en résulte que les Turcs représentent le groupe ethnique le plus important. En 1914, les pressions de l'Allemagne sont telles que le 2 novembre, l'Empire ottoman entre en guerre.
En janvier 1915, la 3ème armée ottomane est anéantie par les Russes. Les Turcs désignent les Arméniens comme principaux responsables d'une défaite qui relevait d'une faute stratégique. Après plusieurs mesures discriminatoires contre les fonctionnaires arméniens, les dirigeants turcs considèrent la suppression des Arméniens comme une nécessité vitale.
Une campagne générale de déportation des Arméniens est organisée. Par exemple, sur 1 million d'Arméniens, 150 000 ont pu gagner le Caucase, 50 000 ont survécu à Alep, 200 000 femmes et enfants ont été enlevés et islamisés ... Au total l'estimation la plus probable est de 1,2 millions de victimes.
L'alliance de la "Porte" (ce nom a été souvent utilisé en langage diplomatique et dans les traités pour désigner le gouvernement ottoman) avec les puissances centrales conduit la Grande Bretagne et la France à démanteler l'Empire ottoman. Ce sont les accords "Sykes-Picot" de 1916. L'empire ottoman s'effondre. le tout se termine par le traité de Sèvres en 1920, mais qui soulève une vague de protestation à travers la Turquie.
14 - LA RÉPUBLIQUE D’ARMÉNIE
Mais le XXème siècle a aussi été le siècle de la résurrection de l'État arménien en Transcaucasie : la République d'Arménie est née en mai 1918 ! L'idée des Turcs est de régler la "Question arménienne" en repoussant les Arméniens dans un territoire suffisamment petit, pour qu'ils leur "fichent la paix".
Mais tout est à faire : l'hiver 1918/1919 est très rude. La plupart des Arméniens qui reviennent au pays vivent - et meurent - dans des ruines, dans des abris de fortune. Tout manque : vêtements, nourriture, médicaments, combustibles ; les épidémies et le banditisme complètent l'anarchie.
L'imbrication des peuples sur un même territoire rend problématique la définition des frontières. De plus les malentendus croissants entre Arméniens occidentaux et orientaux sonnent le glas de la République d'Arménie.
L'Église arménienne a été longtemps considérée comme un substitut à l'État durant les siècles de domination étrangère. Il faudra attendre la consolidation de l'indépendance en 1919 pour que les autorités religieuses cherchent à normaliser leurs relations avec l'État. L'Église a connu une courte mais réelle embellie avant d'être confrontée aux redoutables épreuves de la période soviétique.
La nouvelle République arménienne avait tout à faire : réforme financière, administrative ... Les réformes les plus durables ont été léguées à l'Arménie soviétique ont été d'ordre culturel : l'arménien devient la langue officielle ; l'enseignement devient laïc et obligatoire ; création de la première université arménienne.
15 - L’ARMÉNIE SOVIÉTIQUE (1921/1991)
Pour Moscou, le principal problème à résoudre a été de briser les traditions paysannes patriarchales qui favorisent le nationalisme. Face aux risques de nationalisation de ses biens, l'Église se considère comme malmenée. En fait, l'Arménie n'entre dans le régime soviétique qu'à petits pas, tout en appréciant le développement de la scolarisation.
La période des premiers plans quinquennaux semble plus bénéfique pour l'industrie, mais le refus de la collectivisation des terres se transforme souvent en une véritable guerilla. Plus de la moitié des terres reste non cultivable ; les petites parcelles pierreuses de ce pays montagneux ne se prêtent ni à la culture extensive, ni à la mécanisation.
Comme dans le reste de l'Union, on veut promouvoir la femme par le travail et la qualification professionnelle. L'émancipation des femmes se heurte cependant à des résistance au niveau des mœurs et de la pratique quotidienne.
À partir de 1929, tout prosélytisme religieux est interdit, alors que les organisations anticléricales abondent.
Collectivisée, industrialisée, urbanisée, alphabétisée et sécularisée, la société arménienne semble s'être coulée dans le moule soviétique.
L'Arménie participe avec brio à la deuxième guerre mondiale. En retour l'URSS s'intéresse à la "Question arménienne" et autorise le rapatriement des émigrés. Mais, comme dans toute l'Union au lendemain de la guerre, la réalité est désastreuse : chute de la production économique et du niveau de vie, famine, inflation, marché noir, corruption, et surtout regain de la terreur stalinienne.
La mort du "guide" en mars 1953 semble annoncer le "dégel" et l'assouplissement de la vie politique et économique. L'Arménie connaît alors une période de forte croissance, se couvrant d'usines et de combinats. La population double entre 1959 et 1989 ; la famille continue de jouer le rôle de foyer et de transmission de la foi et de la mémoire.
La question nationale est un éternel problème : histoire plurimillénaire, diaspora, génocide, l'équilibre est difficile à maintenir. Mais les réussites sont attribuées par les Arméniens à leur propre labeur, plus qu'au système soviétique, qui ne peut perdurer dans ces conditions.
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