LES ISLAMS CONTEMPORAINS





Création le 12 décembre 2017

De tout temps, les hommes se sont posé les deux questions : Pourquoi la vie ? Pourquoi la mort ? Des réponses ont été données par les religions, d’abord avec plusieurs dieux, puis au Moyen Orient par les trois religions monothéistes : le judaïsme, le christianisme, et enfin l’Islam.

De tous temps, les aventuriers ont utilisé les religions à  des fins personnelles ; mais aussi les religions ont baigné le subconscient des peuples, là où ils vivaient. Qu’en sera-t-il du futur ?

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Claude-Raphaël Samama a attentivement étudié les « Perspectives pour les Islams contemporains, d’un texte à l’Histoire ».

Il est docteur en anthropologie des civilisations (Universités Dauphine et Paris-X Nanterre), diplômé d’études supérieures en sciences humaines cliniques (Paris 7) et en philosophie (Sorbonne). Enseignant du supérieur, puis directeur d’études, il a publié plusieurs ouvrages théoriques et littéraires, ainsi que de nombreux textes et articles parus en revue. Depuis 2003, il est directeur éditorial de la revue d’anthropologie philosophique et historique d’herméneutique, l’Art du Comprendre.


 Il est également membre des "notables" de l'Association supranationale "Pour l'Union des Méditerranéens":

https://uniondesmeds.com


Ce livre est d’abord un ouvrage de haut niveau écrit en français et émaillé de mots qui ne sont pas du langage "de base". Qu’importe, nous tentons notre chance pour un sujet aussi sensible que les rapports entre « Les » Islams déclinés suivant les pays qui l’ont adopté comme religion d’État, avec le « cartésianisme » occidental, qui est descendu de son piédestal 
de l’époque des colonisations, sans être remplacé dans les pays « décolonisés » par un « cartésianisme » oriental : le monde musulman n’a pas eu son « ère Meiji ». Dans le prologue, Claude-Raphaël Samama ajoute même que « entre religion, histoire, idéologie, géographie, nationalités et géopolitique … le chercheur s’y perd ».

La péninsule indienne a donné le premier exemple avec la séparation dramatique de l’Inde d’avec le Pakistan et le Bangladesh. Ensuite l’Algérie dont le contrecoup de l’islamisation de son indépendance a été la « décennie noire ». Puis la progression d’un islamisme pur et dur un peu partout au sud de la Méditerranée, avec des tentatives actuellement en cours en Europe. Il y a une vingtaine d’années, nous pouvions vaquer sans problème au Mali et au Yemen. On ne peut plus dire la même chose aujourd’hui.

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Quantitativement, il y a près d’un milliard et demi de musulmans, en nombre croissant, sans compter les « banlieues de l’Islam ».  constituées aujourd’hui par les millions de musulmans européens. Qualitativement, l’Islam est une réalité humaine, religieuse, culturelle, historique et géographique, dynamique, mais aussi une "résistance" face à certaines forces transformatrices des sociétés, ou leur tendance à leur homogénéisation. Les dits « printemps arabes » n’ont pas pour autant clarifié la situation, face à une tradition extrêmement prégnante, qui peut même se manifester par la violence d’un terrorisme aveugle. L’entreprise de dialogues suppose d’abord une connaissance de soi, avec réciprocité. La vérité ne peut être qu'à ce prix.

L’Islam temporel s’est d’abord opposé à l’Europe et à la chrétienté, avec « retour » par les Croisades et la « Reconquista » de l’Espagne. À la guerre de course dans la Méditerranée a succédé une colonisation, principalement par la Grande Bretagne et la France, qui n’a pas été acceptée par l’Islam, alors que la « Réforme » des pays de l’Europe du nord avait libéré l’initiative individuelle, ainsi que la production de richesses comme un but en soi.

Le vocable  « isl’m » est la forme pronominale du verbe s(a)l(a)m, faire la paix, pacifier. Celui qui s’y résigne est « mu’slim » : il fait nécessairement soumission. Pour cela il lui faut faire un effort spécial sur lui-même, le «djihad». L’entraide collective pour aboutir à ce résultat est la Umma, en dehors de laquelle rien n’est possible, sauf pour le non-musulman toléré, avec le statut inférieur de dhimmi. Les règles sont produites par le truchement de l’ange Gabriel dans les « descentes » des versets ou sourates, dont l’assemblement deviendra le texte fondateur exclusif et immuable, le Coran.

Les cinq obligations religieuses du musulman  : la foi en l’unicité de Dieu, la prière rituelle, le jeune du mois de Ramadan, l’aumône et le pèlerinage à la Mecque. Elles suffisent à assurer le salut et à gagner le paradis. Ni le questionnement, ni le doute, ni le libre arbitre ne sont autorisés.


Il y a aussi les explications arbitraires de réputés spécialistes qui veulent faire carrière dans l’étude des groupes terroristes, sans jamais fournir la moindre analyse de fond des causes, des sources et des convictions. Il ne s’agit pas d’avoir le rôle d’un repoussoir ou de « contre-attaquer », mais de comprendre ce retournement et de l’éclairer au nom de la raison éclairée et du temps irréversible de l’Histoire. Les contradictions de la société moderne dérangent la structure d’un Islam exclusif et porteur d’une force entraînante. Tout cela mérite un examen en profondeur et un débat honnête et libre, ne serait-ce que pour tenter de rapprocher les points de vue par une vision acceptable.

L’Occident du XXIème siècle a du mal à comprendre que l’Islam recouvre, dans certains pays, une manière autre et plus ancienne de vouloir habiter le monde (mais tout en tirant profit quand même de certaines avancées technologiques : informatique, utilisation du pétrole, automatisation, armes modernes). Une « mémoire courte » des analystes occidentaux - ou des musulmans occidentalisés - ne prend pas en compte cette « mémoire longue » des intégristes qui réactivent d’anciens contentieux.

En dernière extrémité, les attentats meurtriers, les séquestrations, les décapitations - qui sont en fait séculaires - échappent à la logique occidentale actuelle, celle de la raison objective, des droits de l’homme, ou d’un idéal « vivre-ensemble » récent de la mondialisation ; ils sont une réponse « craintive » à une pollution possible de l’Islam par des « mécréants ». Dans l’autre « camp », on voudrait banaliser l’Islam et le réduire à une simple croyance, et non prendre en compte son influence sur les individus et les sociétés qui s’en prévalent ou ont été façonnés par cette religion.

Réduire cet antagonisme à un « choc entre civilisations » est un jugement exact, mais à courte vue, et qui ne pénètre pas assez dans un conflit d’essence entre deux visions du monde et de l’homme en son sein. Cela conduit même à des affrontements tels que la guerre fratricide entre l’Irak et l’Iran dans les années 1980 : Est-ce un affrontement entre le sunnisme et le chiisme ou entre puissances occidentales interposées ?

La civilisation occidentale veut, depuis la Renaissance, et forte de son génie propre et amplifié, soumettre le monde, en jouir, en tirer le prestige ainsi que les avantages matériels d’une autonomie ainsi conquise. Dans ce scénario, le jeu n’est plus divin. À l’inverse, l’Islam refuse un certain prométhéisme occidental au nom de ses conceptions métaphysiques de l’Être et de Dieu. Cette culturalité est puissante, mais elle ne prend pas en compte la réalité mondiale actuelle, alors que l’Islam « des Lumières » a bien existé à ses débuts …

Comment concilier l’Islam et la culture occidentale laïque - où le divin est seulement une affaire privée ? 


 Il y a aussi les explications arbitraires de réputés spécialistes qui veulent faire carrière dans l’étude des groupes terroristes, sans jamais fournir la moindre analyse de fond des causes, des sources et des convictions. Il ne s’agit pas d’avoir le rôle d’un repoussoir ou de « contre-attaquer », mais de comprendre ce retournement et de l’éclairer au nom de la raison éclairée et du temps irréversible de l’histoire. Les contradictions de la société moderne dérangent la structure d’un Islam exclusif, porteur d’une force entraînante. Tout cela mérite un examen en profondeur et un débat honnête et libre, ne serait-ce que pour tenter de rapprocher les points de vue par une vision acceptable.

L’Occident du XXIème siècle a du mal à comprendre que l’Islam recouvre, dans certains pays, une manière autre et plus ancienne de vouloir habiter le monde (mais tout en tirant profit quand même de certaines avancées technologiques : informatique, utilisation du pétrole, automatisation, armes modernes). Une « mémoire courte » des analystes occidentaux - ou des musulmans occidentalisés - ne prend pas en compte cette « mémoire longue » des intégristes qui réactivent d’anciens contentieux.

En dernière extrémité, les attentats meurtriers, les séquestrations, les décapitations - qui sont en fait séculaires - échappent à la logique occidentale actuelle, celle de la raison objective, des droits de l’homme, ou d’un idéal « vivre-ensemble » récent de la mondialisation, et sont une réponse « craintive » à une pollution possible de l’Islam par des « mécréants ». Dans l’autre « camp », on voudrait banaliser l’Islam et le réduire à une simple croyance, et non prendre en compte son influence sur les individus et les sociétés qui s’en prévalent ou ont été façonnés par cette religion.

Réduire cet antagonisme à un « choc entre civilisations » est un jugement exact, mais à courte vue, et qui ne pénètre pas assez dans un conflit d’essence entre deux visions du monde et de l’homme en son sein. Cela conduit même à des affrontements tels que la guerre fratricide entre l’Irak et l’Iran dans les années 1980 : Est-ce un affrontement entre le sunnisme et le chiisme ou entre puissances occidentales interposées ?

La civilisation occidentale veut, depuis la Renaissance, forte de son génie propre et amplifié, soumettre le monde, en jouir, en tirer le prestige et les avantages matériels d’une autonomie ainsi conquise. Dans ce scénario, le jeu n’est plus divin. À l’inverse, l’Islam refuse un certain prométhéisme occidental au nom de ses conceptions métaphysiques de l’Être et de Dieu. Cette culturalité est puissante, mais elle ne prend pas en compte la réalité mondiale actuelle, alors que l’Islam « des Lumières » a bien existé à ses débuts …

Comment concilier l’Islam et la culture occidentale laïque - où le divin est seulement une affaire privée - alors que l’antagonisme  de ses extrémistes atteint un paroxysme aveugle, tel que le dynamitage "politique" des Bouddhas afghan de Bamyan par les Talibans ? 


http://www.lemonde.fr/culture/article/2004/10/05/la-destruction-des-bouddhas-de-bamiyan-aurait-elle-pu-etre-evitee_381844_3246.html
 


D’un autre côté, l’histoire « occidentale » du XXème siècle, telle que le communisme stalinien ou le nazisme hitlérien, voire l’impérialisme japonais, ne sont pas vraiment des modèles à suivre.

TEXTUALITÉ CORANIQUE ET « GRANDS RÉCITS »
 

L’objection qui consisterait à rapprocher un certain intégrisme chrétien, bibliste et fidéiste américain de celui, par exemple du wahabisme saoudien et d’y voir des raisons de connivence et d’affinité, a vite fait long feu. L’homme et surtout la femme n’ont pas la même place ici et là.

Toutes les religions relèvent d’un Récit. Par exemple l’Hébraïsme est sous-tendu par une alliance de destinée, l’Élection d’un peuple épique et éthique sous le couvert de la loi mosaïque. Le Christianisme privilégie l’incarnation divine et la dramaturgie christique donnant lieu à sa passion. L’Islam, quant à lui, met en son centre le principe divin absolutisé, faisant de Dieu la seule puissance souveraine et intransigeante par le truchement de la parole du Prophète, ainsi inspiré, alors que l’homme ne devient qu'une créature infime.

Le Coran n’ignore pas les petits et grands récits. Son propre récit reste celui, non pas d’une odyssée ou d’une dramaturgie théologique, mais celui d’une seule intransigeante Parole à accréditer.

LE DOGME ET SON OBSTACLE

Le fiqh - le droit musulman - , l’autorité de la tradition (sunna) issue de fond coranique lui-même et les hadiths qui relatent la vie du Prophète ainsi que son exemplarité ont engendré un corpus de lois, de règles, de coutumes, sans concevoir leur séparation. Au contraire une coupure est advenue en Occident dès la distinction progressive entre les pouvoirs de l’Église et du Prince, puis à leur partage strict.

L’Islam a d’abord connu une phase de non distinction entre la prophétie et l’action temporelle sous la houlette du Prophète Mahomet. Puis il a consacré la fusion des deux pouvoirs jusqu’au quatrième califat. L’important schisme entre sunnisme et chiisme a créé des divisions au sein de ces courants, mais jusque là, une certaine liberté de commentaires a pu prévaloir, avec des synthèses remarquables d’ouverture et de créativité comme en Espagne almohade, ou avec l’élaboration de doctrines de haute spiritualité, comme le soufisme. Ont pu briller à leur firmament la poésie, la recherche médicale, mathématique ou astronomique.

Tout le Coran enseigne que l’athéisme est le péché suprême ; l’homme qui le pratique est un infidèle, un pêcheur (kafir), un mécréant, dont ont fait partie les Juifs qui ont adoré « le veau d’or »...




https://youtu.be/muy6DtnZ2Xg

Et Satan conduit le bal ... pendant l’absence de Moïse, qui est parti recevoir les Tables de la Loi sur le mont Sinaï ; les descendants  des Juifs seront aussi rendus responsables de cette "déviation" temporaire de leur religion.

La Bible raconte l'histoire du "Buisson ardent" du mont Sinaï. Mais ceci ? :


Et Claude-Raphaël Samama de signaler que les tentatives de rationaliser l'Islam ont été vite battues en brèche par une orthodoxie préférant la Loi de Dieu et l'intangibilité du texte coranique à celle aménagée par des hommes ; telle la remise en question par la Réforme de l'autorité de l'Église et de son monopole interprétatif.

Une difficulté de l'Islam est qu'il n'y a pas d'institution ecclesiale apte à faire évoluer les rites, soufisme mis à part. Ce qui prédomine dans l'Islam idéal, c'est que le temporel ne doit pas remplacer une ascendance spirituelle, rassembleuse et protectrice, mais aussi défensive et prosélyte.


LES FRACTURES DE L'ISLAMITÉ

La division entre Sunnites et Chiites : les Chiites ne représenteraient que 10% des musulmans dans le monde. Il faut compter aussi sur diverses autres minorités religieuses.

Si les Sunnites ont considéré comme successeurs désignés du Prophète, les quatre premiers califes, les Chiites retiennent seulement Ali, le gendre du Prophète, puis la postérité de ce dernier.

Mosquée El Ahzar - sunnite

Mosquée de Yazd - chiite

 Al Azhar est aussi une Université égyptienne de très haut niveau. Lorsque les Frères musulmans s'opposèrent à l'ONU sur la question du statut de la femme, Al-Azhar organisa un symposium sur les droits des Égyptiennes, où des thèmes controversés comme la lutte contre l'excision ou le mariage précoce furent évoqués.

Yazd est l'une des plus ancienne ville de Perse, et du monde. Elle est réputée pour avoir été la ville des Rois Mages. L'acoustique de la mosquée est exceptionnelle.

Quand la modernité occidentale pénètre dans les sociétés musulmanes, et se voit défendue par une fraction de ses populations, elle peut aussi entraîner, avec le rejet des valeurs qu’elle porte, des conflits internes entre "progressistes" et intégristes « traditionalistes ». La mondialisation est venue accélérer ces contradictions. Elle peut aussi donner lieu à des comparaison et à des bilans où l’Islam se voit interpellé dans sa tradition séculaire, et prend parfois conscience des pesanteurs et des archaïsmes qui le désavantagent. Celui-ci est par nature rebelle au changement radical de ses normes.


L’ISLAM À LA CROISÉE DU MONDE

Liberté et initiatives personnelles achoppent sur l’inspiration d’un Texte considéré comme transcendant. La relation entre les sexes fait partie de cet achoppement. La crainte est permanente que le « féminin » ne déborde un ordre viril et patriarcal.

Un deuxième point d’achoppement est le décalage économique entre la richesse des États pétroliers, en majorité en zone « musulmane » et l’activité économique productive de leurs populations modestes. Même si le facteur climatique n’est pas favorable à l’industrie, la culture technique et économique des populations dites « musulmanes » est faible. En revanche la politique d’armement des oligarchies de ces pays devient une pomme de discorde, alors que la possession de l’arme nucléaire n’est pas un objectif du Coran.

Le pragmatisme économique occidental (et extrême oriental) rencontre dans les pays orientaux un mimétisme et non pas une motivation culturelle, scientifique et technique. Il semble que la lumière de l’Islam des Lumières ne fasse plus maintenant recette, comme s’il n’était demandé à la créature que de  « rester à sa place ».

Aborder ces questions, leur acuité, leur ampleur, et leur portée a pris un caractère d’urgence. Il reste à élaborer des « contre-points » culturaux qui, en évitant les affrontements, rendraient possible un Islam en paix envers lui-même (et cela, grâce aux Musulmans eux-mêmes).

LA GUERRE ET LA PAIX

L’intercompréhension culturale, en particulier en Europe, achoppe sur des problèmes multiples :
- la signification du port du voile par des femmes musulmanes ;
- la floraison des mosquées, ressentie comme une sorte de « colonialisme » par certains ;
- la multiplication des attentats au sein d’un afflux sans précédent d’immigrés de culture musulmane ;
- l’angélisme des dirigeants européens qui ne savent pas que les droits doivent être équilibrés par les devoirs ;
- une démocratie « fictive » de nombre d’élus par manque de culture générale.

SIX PERSPECTIVES

« Point de violence en matière de religion. La vérité se distingue assez de l’erreur. » (Coran, sourate II, 256). Et la sourate inaugurale du Coran : « Au nom de Dieu, clément et miséricordieux » - al rahman et al rahim - est reprise à chacune de ses récitations.

L’Islam a eu une évolution assez différente de celle du christianisme : plus communautaire, astreignante et politique, avec un prosélytisme plus contraignant à ses début. Cela dans des aires géographiques autres que les aires « occidentales », alors que les sources de ces religions sont toutes deux moyen orientales.

1 - Séparation

Un premier courant de l’Islam voudrait préserver une certaine orthodoxie et une pureté de sa doctrine, ne souffrant aucun compromis ni objection à l’application de ses règles. Cette logique pousse à une forme de séparation. Les « révolutions » arabes n’ont pas pu entamer ce courant. Or l’arabisation et l’islamisation de l’Algérie, par exemple, n’ont pas vraiment fait leurs preuves. Mais le radicalisme accepte-t-il vraiment d’exister sans violence ? Et son but n’est-il pas plutôt d’imposer - bessif - son poids social et économique plus que sa croyance ?

2 - Coexistence et dialogue


La seconde voie d’évolution est celle de la coexistence pas forcément amicale avec d’autres systèmes idéologiques ou spirituels. À cette donnée « structurelle » s’ajoute le contentieux avec ceux que les intégristes appellent « les Croisés » en souvenir d’un moment d’affrontement religieux et guerrier avec la chrétienté. Ce comportement est mal compris par les Occidentaux, qui ont pourtant fleuri les tombes des victimes des deux conflits mondiaux des plus meurtriers. Maintenant que tout cela est du passé, comment expliquer les attentats suicides, le sacrifice d’innocents, aux cris de Allah ou akbar !

La question devient : Pourquoi l’Islam ne s’accommode-t-il pas plus et mieux d’autres présences sur ses terres ? Pourquoi réclame-t-il aujourd’hui sa forte reconnaissance sur les territoires européens sans réciprocité ? Il faudrait à l’Islam passer, de la parole figée, à la pensée en marche vers la clarté et la justice.

3 - Littéralisation

L’Islam ne peut se concevoir sans son Texte fondateur, le Coran. La « littéralisation » consiste, par sa lecture à-la-lettre et sans recul, à en faire le seul texte de vérité au détriment de tous les autres, d’inspiration semblable ou différente. L’absence de toute distanciation aboutit à une compréhension simplificatrice, ou polémique.

Il est vrai que la plupart des grandes religions du monde vise à édifier moralement l’individu et à lui donner des règles de bonne conduite, plus qu’à l’inciter à une réflexion philosophique à laquelle il n’est pas forcément apte. Toujours le bien et le mal opposent leur alternative, et la lettre prévaut le plus souvent à l’esprit.

La révélation de l’unité de Dieu, transmise par Abraham à Ismaël puis à Isaac qui sera favorisé, mais donc jalousé, sera reprise dans la déclaration coranique, de façon consensuelle ou « polémique ». Or le Dieu unitaire, créateur et régisseur des mondes et de la destinée de l’homme est au cœur des deux textes.


Il faut aussi noter l’arabisation des textes bibliques. (Mais cette arabisation se comprend puisque le Coran s’adressait initialement à des Arabes - La latinisation des textes chrétiens a été également une commodité pour l’expansion du christianisme, suite à la christianisation du monde romain). 

L’histoire de l’Islam nous apprend à quel point son Prophète fut proche des tribus chrétiennes et juives, et ne justifie en aucun cas les individus isolés qui se réclament d’une mission exterminatrice au nom du message de l’Islam.

Il ne faudrait donc pas se borner à la récitation des textes sacrés, mais à leur compréhension, qui fait partie de leur héritage.



4 - Laïcité

Le principe de la séparation du théologique et du politique, du spirituel et du temporel, voilà une voie offerte à l’avenir de l’Islam : celle de la la laïcité. Cette laïcité n’est concevable ni par les Talibans d’Afghanistan, ni par certains Mollah iraniens, ou par les divers mouvements intégristes. Plusieurs tentatives ont été faites par la Turquie, la Tunisie, l’Égypte, l’Irak, la Syrie, le Liban, l’Iran … sans aboutir à des stabilité pérennes et avérées.

Il ne s’agit pas de prôner une réconciliation angélique, mais une évolution qui permettrait à l’Islam de perdurer dans sa mystique, sans entrer en confrontation avec quiconque. En particulier en Europe, les musulmans ont acquis une citoyenneté qui, par principe, devrait prévaloir sur l’appartenance confessionnelle. Ce n’est pas pour rien que Mahomet a mis en valeur « les peuples du Livre ». Pourquoi ne pas mettre en actes cette parole du Prophète ?

5 - Historialisation

L’Islam devrait être mis en rapport avec le temps de l’Histoire. De nombreux pays ont eu, avant leur islamisation, une histoire riche et parfois glorieuse. L’Islam n’a pas avantage à être «clos », que ce soit dans le domaine de l’histoire ou de la géographie. Le souhait de nouvelles conquêtes et d’une expansion sans limite relève d’un fantasme qui n’a rien à voir avec la foi, mais plutôt avec un complexe d’infériorité. De même le rejet de civilisations antérieures. Se priver de l’histoire de ses ancêtres est se priver de sa propre histoire personnelle !

6 - Dénationalisation


À défaut de mutations immédiates, jamais faciles à provoquer ou à décréter, de nouvelles approches peuvent être envisagées. La doctrine de l’Islam a bien connu schismes, divisions, sectarisme, mais surtout ne fait pas unanimité sur les formes de son orthodoxie, ses modalités de transmission, ses degrés d’adhésion à un corpus exigeant et austère.

C’est aussi le cas pour la chrétienté où les intérêts nationaux ont fini par toujours prévaloir. Le monde chrétien a vu se créer des groupes religieux : byzantins, coptes, maronites, arméniens, chaldéens, syriaques, cathares, vaudois … avec des langues qui n’étaient pas l’araméen, langue du Christ !

D’un autre côté, l’arabe coranique reste le plus souvent une langue classique. Souvent on prie et on répète sans comprendre. Quoiqu’il en soit de sa source textuelle, l’Islam s’est bien constitué au départ comme une entité territoriale rassemblant peuples et États sous les premiers califes.

Par ailleurs ceux qui se veulent parler au nom de l’Islam réagissent violemment à chaque critique et à toute contestation qui l’obligerait à la « réforme ». À quoi tient cette susceptibilité ? L’ Islam est issu d’une unification de tribus rivales, suivie d’une construction califale qui a permis sa remarquable extension géographique et humaine.

Dans la période contemporaine, les revendications sont d’une nature toute autre que celle de la vocation première de l’Islam. Et les guerres « inter-musulmanes » contemporaines, opportunistes ou nationalistes, n’intègrent pas les pesanteurs dogmatiques de l’Islam dans leurs préoccupations.

Les États actuels à majorité musulmane ont des problèmes économiques et sociaux que le Prophète n’avait évidemment pas prévus et que la pratique absolue de la religion musulmane ne peut régler … parce que ce sont des problèmes économiques et sociaux, et non des problèmes essentiellement religieux. Il appartient donc aux nations modernes de se trouver des solutions adaptées au monde moderne.

De son côté, l’Occident positiviste ne pourra s’entendre, dialoguer,  et avancer de conserve avec le monde islamique redéfini dans sa diversité, qu’à la condition d’une attitude respectueuse des réalités locales, et d’un idéal de pacification mutuelle.

CONCLUSION

L’Islam est aujourd’hui souvent perçu comme porteur d’une religion dogmatique stigmatisée - à tort ou à raison - pour une certaine intolérance, externe ou interne. Les citoyens ont maintenant leur mot à dire, car l’universel ne peut se soutenir d’une contrainte aménagée, il lui faut la liberté des adhésions sincères et paisibles.


Commentaires de Claude-Raphaël Samama : Oui, mon livre sur l'Islam est apparemment complexe, mais surtout, il parle de ce dont on ne veut pas trop parler ou entreprendre... Inclus chez les musulmans. Beaucoup d'entre eux me remercient de l'avoir écrit. Il envisage aussi l'Islam sous toutes ses dimensions (inclus mondiales), ce n'est pas dans l'air du temps.  Quoiqu'il en soit, la lecture et l'interprétation doivent rester libres. 



La Grande Mosquée de Paris - Poésie sculptée sur les murs de la Mosquée : "Avec l'aide de Dieu, cette Mosquée a été magnifiquement édifiée dans ce paradis terrestre (Paris) pour les pratiques des hommes vertueux."