Nous avons longuement hésité avant de trouver dans quelle rubrique placer le présent article sur le « tourisme sarrasin » en Gaule. Les chefs étaient syriens, les troupes maghrébines …
Puis nous nous sommes rappelés qu’une amie libanaise nous avait confié qu’on lui avait dit à l’école que des touristes arabes, pourtant « tout feu tout flamme », avaient été sauvagement battus par les gendarmes de Charles Martel lors de leur visite à la cathédrale de Poitiers ! Nous pensons que les profs avaient confondu « incursion » avec « excursion ». Comme il ne faut jamais faire les choses à Poitiers, nous avons finalement placé cet article dans la rubrique « Moyen Orient ». Que nos amis syriens nous le pardonnent !
C’était au temps où Lutèce (Paris) était une île. Les Sarrasins avaient franchi les colonnes d’Hercule sous la conduite de Tarik (de l'arabe « جبل طارق », « Djebel Tariq », « le mont de Tariq » du nom de Tariq ibn Ziyad). Après avoir colonisé le royaume wisigoth (Espagne) pour un certain temps, le chef syrien s’était offusqué que le comte Eude de Toulouse avait souhaité épouser la fille musulmane de son ami…. qui dirigeait le pays. D’où une expédition punitive sur Toulouse organisée par le nouveau gouverneur d’Al Andalous, Abd Ar-Raḥmān ibn ʿAbd Allāh Al-Ġāfiqiyy, laquelle expédition s’était poursuivie jusqu’à Poitiers, le temps que Charles Martel constitue une armée franque (à dominante germano-belge). D’où, maintenant, il ne faut plus dire « les Gaulois », mais « les Français ».
Après la bataille, les Sarrasins s’étaient dispersés dans la Gaule, principalement dans le midi, et de temps en temps des pirates (sans papiers), issus de l’Andalousie, venaient s’y réapprovisionner en provisions et en esclaves.
********************************
Plus objectivement, voici l’histoire du massif des Maures pendant quelques siècles.
Aux éditions Maisonneuve & Larose, Philippe Sénac a publié en 1982 un livre intitulé « Provence et piraterie », faisant le point sur cet étrange « État islamique inoculé en pleine terre chrétienne (Bilâd ar Rûm : la Chrétienté), dans le Jabal al-Qilâl (Montagne des sommets = Massif des Maures) partiellement occupé par des Musulmans.
Du IXème au XIIIème siècle, quelques textes seulement y font référence : le Livre des Routes et des Royaumes (Kitab al Masâlik wa al Mamâlik), le Livre de la Configuration de la Terre (Kitab Sûrat al-ard), les Régions du Monde (Hudûd al-Alam) d’un auteur persan …
Vingt sarrasins partis d’Espagne sur une barque sont jetés par le vent sur le rivage et massacrent les habitants du hameau voisin. Ils envoient des messagers en Espagne, et une centaine d’hommes arrivent en renfort. Fréjus est pillé à sept reprises, Toulon est détruite, une partie de la population d’Aix et d’art est prise en esclavage.
Le commandement de Farakhshinêt (Fraxinet) groupe ensuite une série de communes situées sur le versant maritime d’un croissant montagneux reliant Cavalaire à Sainte-Maxime.
Pendant deux siècles, les pirates espagnols auront fait preuve d’une véritable supériorité navale : « de vraies chèvres », une communauté de guerriers, de mujâhidûn, issue du Califat de Cordoue, qui installe une base militaire chargée de fournir l’Espagne en esclaves, en bois de construction et en plomb argentifère … Tout cela ne laisse pas de traces matérielles : la féodalité provençale, dès le début du XI ème siècle, détruira systématiquement les vestiges. Il ne reste pas grand chose pour favoriser l’archéologie de Fort Freinet, d’un accès difficile …
En 923 des Anglais en pèlerinage sont égorgés. En 935, 40 navires commandés par l’amiral Abd ar-Rahmân ibn Saîd Abî Hamâma entreprennent une série d’attaques … En 940, Al Muktabis d’Ibn Hayyân veut faire la paix avec les Francs. En 942, Hugues de Provence demande l’aide de Constantinople. En 950, Othon le Grand envoie un moine porteur d’un message très sec à Abd ar Rahman III, qui refuse le message mais accepte les cadeaux ; Othon décide alors d’attaquer les Maures, mais il décède prématurément. L’abbé de Cluny, Mayeux, revenant d’un pèlerinage à Pavie, est rançonné et racheté. Il faut donc rouvrir le chemin de Rome en encerclant les Maures dans le massif pour qu’ils ne reçoivent pas d’aide de ceux d’Espagne. Ou alors, il faut traiter avec le Califat de Cordoue. Ibn Hayyân, dans un paragraphe « Paix avec les Francs » traite de l’ambassade de Hugues de Provence à Cordoue « il demandait la sécurité pour les commerçants de son pays dans leur voyage vers El Andalous. » . Finalement l’ambassadeur Jean de Gorze est reçu par le Calife en grande pompe.
Et brusquement au Xème siècle, la menace disparait, car le Califat de Cordoue n’a pas intérêt à soutenir ce genre de comptoir qui ne lui apporte que des problèmes.
Depuis 1982, la situation archéologique a évolué : rien n'a été découvert sur l'occupation sarrasine, dans la mesure où elle a été remplacée par une présence féodale, peut-être rendue nécessaire pour se défendre contre les pirates venus du sud de la Méditerranée. Voici une série de vues sur le fort Freinet :
Par exemple, la Bravade est un simulacre de combat entre cavaliers et fantassins. Les Sarrasins, aux étendards verts, élèvent un fort en planches. Les Provençaux attaquent le fort et reconduisent les Sarrasins aux portes de la ville.
Le jeu des Bouffets : les jeunes gens, armés de soufflets poursuivent les filles. Les Maures surgissent, mettant les jeunes en déroute et enlèvent les demoiselles.
La dame des olivettes : les Maures poursuivent les femmes du village, et les villageois combattent.
Le conte de la chèvre d’or : les Sarrasins regroupent les richesses dans une grotte obscure gardée par une chèvre.