CHRÉTIENS D'ORIENT 1



Création le 10 février 2017

Aujourd’hui, les chrétiens orientaux n’éveillent généralement l’attention des média et du public en Occident que lorsqu’ils sont victimes de violences. Or ils ne sont pas des étrangers venus dans les fourgons des croisés et des colons, mais des autochtones arabes. Mieux : ils prétendent appartenir à une culture millénaire qui serait restée presque inchangée à travers le temps et qui les différencierait radicalement de leur environnement musulman.

Près de Damas, on parle encore l’araméen, le langage du Christ ; les Coptes se réclament des Pharaons ; les Phéniciens ont habité le Liban bien avant les Califes ; les Assyriens ont régné en Haute Mésopotamie des siècles avant l’installation de l’Islam …

C’est d’abord une longue histoire. Le pays arabe appartient tout autant aux chrétiens qu’aux musulmans.

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Bernard Heyberger, directeur de l’Institut d’Etudes de l’Islam et des Sociétés du monde Musulman (IISMM) à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), est directeur d’études à l’EHESS et à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (EPHE), section sciences religieuses (Paris).
Agrégé d’histoire (1980) ; licencié d’arabe ; boursier à l’Institut Français d’Etudes Arabes de Damas (1989) ; membre de l’Ecole Française de Rome (1990–1993) ; membre de l’Institut Universitaire de France (2005-2010).

Ses recherches portent sur la Syrie et le Liban à l’époque ottomane, plus particulièrement sur les chrétiens et sur les relations islam / christianisme.



https://www.canal-u.tv/video/ehess/les_chretiens_au_proche_orient_de_bernard_heyberger.12232

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Pour une vision binoculaire, on peut s’inspirer du livre de Jean-Michel Cadiot : Les chrétiens d’Orient.


https://www.youtube.com/watch?v=R7v4VrpZdvI

Il y a bien d’autres livres sur les chrétiens d’Orient, certains donnent d’excellentes généralités, d’autres des cas particuliers, voire exceptionnels, comme la vie du Père Paolo Dall’Oglio dont le monastère de Mar Moussa est devenu un lieu d’accueil et d’ouverture, dédié  à l’harmonie islamo-chrétienne, et racontée par une jeune journaliste tombée sous le charme, Guyonne de Montjou :



http://www.jesuites.com/compagnons/marmoussa/
 

Quant au futur, moins il y aura de chrétiens en Orient, plus il y aura de livres sur eux.





LA DÉLICATE NOTION DU NOMBRE

Les statistiques sont éminemment politiques. Au Liban, le système électoral est fondé sur un recensement de 1932. En Egypte, les chiffres officiels sont contestés par les Coptes, etc.



Les appels des prélats d'Orient sont émouvants :

En août 2014, après avoir été contraint de quitter son diocèse conquis par l’Etat islamique, l’archevêque chaldéen de Mossoul, Mgr Émile Nona, adressait aux chrétiens du monde entier une déclaration prophétique :
 "Nos souffrances d’aujourd’hui sont un prélude aux vôtres, chrétiens européens et occidentaux qui souffrirez aussi dans un proche avenir ».


Et il invitait les États occidentaux à prendre des mesures « fortes et courageuses ». Comme en écho, une Syrienne réfugiée en France confiait au lendemain des attentats : « La France a pris en son sein des gens prêts à la mettre à genoux. J’ai vu en France des barbus que je n’avais jamais vu dans ma vie en Syrie, avant la guerre ».

Le cardinal Béchara Raï, patriarche des maronites, peu avant les attentats :
"Les musulmans considèrent les chrétiens comme faibles et ils croient que, parce qu’ils n’ont pas d’enfants et pratiquent à peine leur foi, l’islam les vaincra facilement. Malheureusement, les musulmans prennent leur foi plus au sérieux que la plupart des chrétiens, et ils gagnent du terrain à cause de cela ».


Critiquant la politique des Européens dans la crise migratoire, il disait :
"Il est inutile pour l’Europe de se quereller sur la question de l’accueil des réfugiés, sans traiter la cause fondamentale de l’émigration du Moyen-Orient qui est un conflit armé. »


Mgr Issam Darwich, archevêque melkite de Zahlé (Liban) :
"Nous avons toujours su que Daech est un danger pour le monde entier. Mais l’Europe ne l’a pas pris au sérieux (…). Les fondamentalistes ne peuvent pas supporter que des musulmans soient gouvernés par une majorité chrétienne, comme en France. Ils croient que ce devrait être le contraire, que les musulmans doivent dominer le monde entier (…). L’Europe doit modifier sa politique concernant le conflit en Syrie et ouvrir enfin les yeux (…). Il est temps de lutter contre Daech conjointement avec le gouvernement syrien. Ce n’est qu’après que nous pourrons voir comment les choses vont évoluer en Syrie ».


Mgr Georges Abou Khazen, vicaire apostolique latin d’Alep :
"Ici, depuis des années, nous subissons des massacres et nous vivons dans la terreur (…). Tout cela a lieu dans l’indifférence de la communauté internationale. Aujourd’hui, après les massacres de Paris, il faut trouver une unité forte et authentique pour lutter contre le terrorisme (…). La réponse politique à apporter consiste dans l’arrêt de tout appui à ces groupes, promoteurs de mort, qui se servent d’une idéologie religieuse comme d’un bouclier. » (Agence Fides, 14 novembre 2015).
 

Père Samir-Khalil Samir, jésuite égyptien :
"La solution de facilité, très à la mode, consiste à dire que Daech n’a rien à voir avec l’islam. C’est le pire discours que je connaisse. […] Des dizaines de passages du Coran justifient la violence […]. Il faut distinguer islam et islamisme, mais l’islamiste n’est pas contre l’islam. […] Aujourd’hui, l’Occident est vu [par les musulmans], d’un point de vue religieux et moral, comme décadent. […] Ils disent : l’Occident est devenu athée, il faut donc le combattre ».

Père Pierre Madros,
prêtre du patriarcat latin de Jérusalem :
"Ces événements tragiques, inattendus et incompréhensibles chez beaucoup d’Occidentaux, fort prévisibles, (…) vont-ils réveiller la fille aînée de l’Eglise, afin qu’elle revienne à son premier amour ? Ou bien tout sera-t-il oublié, et noyé dans un “pas d’amalgame” expéditif et peu objectif ? N’est-ce pas là, pour la ville-lumière, l’heure du Malin et le royaume des ténèbres ? ».

Sa Béatitude Ignace III Younan, patriarche syro-catholique (Beyrouth) :
"Nos deux pays, le Liban et la France, dans l’espace de 24 heures, ont été la cible des attaques barbares, qui visent clairement à miner les valeurs sur lesquelles ils ont été fondés : liberté, respect d’autrui et convivialité civile. Des valeurs dont nous ne devons absolument pas avoir honte ou nous flageller (…). Les loups sont dans le bercail ! Réveille-toi, France bien-aimée » (Message adressé à l’Œuvre d’Orient, 17 novembre 2015).


Sa Béatitude Grégoire III Laham, patriarche grec-catholique (Damas) :
 "Une fois de plus, nous voilà dans la spirale de cette violence aveugle qui semble aspirer notre monde, […] nous rappelant les paroles de saint Paul, “Car le mystère d’iniquité s’opère déjà…”, dans ce monde éloigné de Dieu alors que résonnent en nous celles de Notre-Seigneur Jésus-Christ : “… si vous ne vous repentez pas, vous périrez tous de même” (Luc 13, 3) ».


Mgr Jean-Abdo Arbach, archevêque grec-catholique de Homs (Syrie), de passage en France dans le cadre du jumelage de son diocèse avec celui de Fréjus-Toulon :
 "Il faut détruire la menace terroriste bien entendu et en protéger la France. Mais il faut également que la France retrouve la foi, l’espérance et la charité. Il faut vivre du Dieu d’Amour, et nourrir les âmes errantes ! Soyez ce que vous êtes, des chrétiens, pour résister à la sauvagerie de ces fanatiques » (Propos rapportés par Charlotte d’Ornellas, SOS Chrétiens d’Orient, 15 novembre 2015).


Mais l'avenir appartient aux jeunes, donc tout est possible, même "la bouteille à moitié pleine, par opposition à la bouteille à moitié vide" : voici l'émouvant témoignage de la petite Myriam :