25 SIÈCLES DE RÉCITS DE VOYAGE EN OMAN




Création le 24 octobre 2015

Xavier Beguin Billecocq a relaté les voyages en Oman de soixante personnalités depuis Néarque, amiral d’Alexandre le Grand jusqu’à François Mitterand, Président de la République française.

La meilleure façon de présenter l’auteur du livre « Oman, vingt-cinq siècles de récits de voyage » est de donner un extrait de son site.




 Tous les voyageurs n’ont pas eu la chance d’être sélectionnés, il y en avait trop …

Passons sur les grandes étapes de l’histoire de l’Oman, ce sera l’objet d’un article ultérieur et interviewons ces soixante élus.





 1 - NÉARQUE - Alexandre le Grand était prudent, et pas téméraire : il avait confié à son amiral Néarque le soin d’accompagner par mer sa grande armée. Le 2 octobre -326, départ de l’embouchure de l’Indus jusqu’à Babylone pour un voyage de cinq mois. Alexandre embrasse Néarque avec toute la tendresse d’un ami et la reconnaissance d’un monarque satisfait. Alexandre projetait d’autres développements en envoyant des navires explorer une nouvelle expédition maritime. Tout était prêt : le surlendemain d’une fête donnée en l’honneur de Néarque, Alexandre le Grand décède.

2 - Al MA’SUDI - Historien, géographe, philosophe, né en 893 à Bagdad, a été un grand voyageur dans le Moyen-Orient. Dans son livre « La prairie d’or », il donne des détails sur la mousson, la navigation, les échanges commerciaux.

3 - MARCO POLO - Né à Venise en 1254 ; avec son père et son oncle, ils vont jusqu’à Pékin. et demeurent 20 ans à la Cour de Kubilaï Khan. Au  retour, Marco passe par l’Oman, chargé de richesses et d’histoires merveilleuses, qu’il consigne dans son livre « Le livre des merveilles du monde » pendant sa captivité chez les Génois. Sur les Omanais : « Et encore sachez que les gens de cette contrée vivent de dattes et de poisson salé, car ils en ont continuellement et en quantité outre mesure. Mais il est bien vrai qu’il y a plusieurs gentilhomme et richommes qui mangent de bien meilleurs aliments et de meilleures choses. »


4 - Ibn BATTUTA - Jurisconsulte et savant marocain, il est considéré comme un des plus grands voyageurs de l’histoire, le « Marco Polo arabe ». Né à Tanger en 1304, il voyage pendant trente ans sans discontinuer. Il s’est rendu à deux reprises en Oman à l’aller et au retour de la Chine. Description de son séjour en 1331 sur le sultanat d'Oman : « C’est une province fertile, riche en canaux, en arbres, en vergers, en enclos plantés de palmiers et en beaucoup de fruits de différentes espèces … », et sur le sultan d’Oman : « Ce sultan honore son hôte suivant la coutume des Arabes ; il lui assigne le repas de l’hospitalité et lui fait des présents proportionnés à son rang ; il est doté de qualités excellentes. »

5 - ZHENG HE - Amiral chinois - Au XVème siècle, sous le règne des empereurs Ming, de grandes expéditions maritimes révèlent la supériorité technique de la Chine et son avance sur le Portugal et l’Espagne. Ses expéditions, à la fois militaires, diplomatiques, commerciales et géographiques sont organisées et dirigées par un eunuque du nom de ZHENG HE. Le succès de ZHENG HE en Asie y laissa des souvenirs si vivaces qu’il y fut divinisé et que son culte n’y a pas encore disparu de nos jours. Sur l’Oman : « Ce pays est ceint par l’océan et vient s’appuyer contre des montagnes. Des marchands du monde entier, venus à bord de navires étrangers ou par la route, se rassemblent ici pour commercer, de telle sorte que tous les habitants de ce pays sont riches. Le roi et ses sujets, de la confession de Mahomet, sont de pieux et sincères croyants … Le roi a confié à la flotte chinoise comme cadeau à la Chine des lions, des girafes, des chevaux, des perles et des pierres précieuses, ainsi qu’une lettre écrite sur une feuille d’or. »

6 - ABD-AL- RAZZAQ SAMARQANDI - Ambassadeur du Shah de Perse, né en 1413 à Harat (Afghanistan), il est nommé, entre autres, ambassadeur en Inde, puis en Égypte. En 1442, il fait une halte de quatre mois en Oman, un séjour non climatisé : « Quoique nous fussions alors au printemps, au moment où les nuits et les jours ont une durée égale, la chaleur du soleil était tellement intense qu’elle brûlait le rubis dans la mine, la moelle dans les os, que l’épée, dans son fourreau, fondait comme la cire, et que les pierreries qui ornaient la poignée du khanjar (poignard) se réduisaient en charbon. » ( ! )

7 - ATHANASE NIKITINE - Voyageur russe, et marchand, il est célèbre en tant qu’auteur d’un des plus anciens récits de voyages en Inde. Après un voyage de six ans, il décide de revenir à Kalinine, en quittant l’Oman par des vents contraires, il traverse l’Iran, la Crimée … « Et, dans ce pays d’Éthiopie, je suis  resté cinq jours. Grâce à Dieu, il ne nous est pas arrivé malheur : nous avons distribué aux Éthiopiens de grandes quantités de riz, de poivre, de pain, et ils ne nous ont pas pris notre bateau. De là, j’ai navigué pendant douze jours jusqu’à Mascate où j’ai passé Pâques … (1472) »

8 - ALFONSO D’ALBUQUERQUE - Vice-roi des Indes Orientales, né en 1453, il crée la domination des Portugais dans l’Inde, fait la prise de Mascate en 1507. Mais en 1515, il se croit disgracié et meurt peu après à Goa, au moment où il allait revenir en Europe. Arrivé devant Mascate, il n’obteint la reddition de la ville qu’après huit jours d’efforts et non sans pertes. Voici comment il a vu Mascate, avant : « Mascate a toujours été un marché pour les chevaux et les dattes. Les maisons sont belles, et on y est ravitaillé de l’intérieur en blé, en millet, en orge et en dattes. Ces denrées sont entreposées là avant d’être chargées à bord d’autant de vaisseaux qu’il s’en présentera. »


9 - LUIGI DI VARTHEMA - Voyageur bolonais, né vers 1480, il se fait incorporer dans une armée de mamelouks, apprend l’arabe et les règles de l’Islam. Il voyage beaucoup au Moyen Orient et il fait halte à Mascate vers 1508 où il est particulièrement impressionné par la pêche des perles. Il revient en Italie en passant par le Portugal où il est anobli par le roi. Bien évidemment, la relation de ses voyage eut beaucoup de succès à l’époque.

10 - GASPAR BARZÉE - Jésuite belge, né en 1515, il est le plus connu des collaborateurs de saint François-Xavier, s’engage d’abord dans l’armée de Charles Quint. Devenu Jésuite, il reçoit l’ordre de gagner les Indes. Lorsque le père Barzée débarque à Mascate en 1549, plein de zèle pour cette colonie portugaise « seule et abandonnée », il n’y trouve même pas un prêtre. Son action provoque un retour presque général à la foi, mais il doit prendre son poste à Ormuz, et on lui cherche en vain un successeur à Mascate.


« Pour en revenir à notre traversée, nous sommes arrivés à Mascate, une place forte sur la côte de l’Arabie Heureuse. Nous y avons rencontré une foule de marchands portugais qui, une fois ruinés, s’étaient vus dans l’obligation de s’expatrier ; en se rendant ainsi chez les Maures, ils ne s’étaient pas confessés chrétiennement depuis dix ans et plus !"

11 - PIRI REIS - Né aux environs de 1470 à Gallipoli, neveu d’un corsaire célèbre, l’amiral Kémal Reis, il participe à de nombreuses expéditions navales turques. En 1547, il est nommé amiral de la flotte ottomane des Indes. Arrivé devant la côte omanaise au début de 1552, il prend d’assaut la ville après un bombardement de dix huit-jours. Mais, en 1553, il est battu par don Fernando de Menezes dans une bataille rangée livrée au large de l’Oman. Obligé d’abandonner sa flotte bloquée à Bassorah, il gagne difficilement le Caire. À la nouvelle de ce retentissant échec, le sultan furieux ordonne que son amiral ait la tête tranchée.

Piri Reis était un homme très cultivé, il connaissait six langues et s’intéressa avec passion aux sciences de la navigation. Le jésuite Joseph-François Lafitau raconte la prise de Mascate :

"Sur le rapport que firent les corvettes qu’on avait envoyées à la découverte de l’arrivée des Turcs à Mascate, la confusion fut si grande à Ormuz que la ville fut presque aussitôt abandonnée. Piri Reis arriva peu de jours après et trouvant la ville désemparée, il la pilla et la ruina. Il commença ensuite le siège de la citadelle, tira ses lignes, éleva ses redoutes, dressa ses batteries, et fit un grand feu de canon … Avant que de lever le siège, Piri Reis envoya un trompette aux portes de la citadelle pour traiter de la rançon des Portugais pris à Mascate …"

12 - PEDRO TEXEIRA - Voyageur portugais né vers 1570, il réside plusieurs années en Perse, puis il va à Bornéo, aux Philippines, au Japon, en Californie, au Mexique et retourne à Lisbonne. Au début de l’année 1604, après avoir atteint Mascate. Il relate le comportement étrange d’oiseaux :

"Dans tout le voyage, nous ne vîmes rien de remarquable si ce n’est une sorte de passereaux qui se haïssent mortellement et se persécutent toujours. Le plus faible étant poursuivi par le plus fort, vole bien haut : la peur lui lâche le ventre, et celui qui le poursuit, voyant tomber ses excréments, ouvre le bec pour les recevoir. Les gens du pays nous disent que ces oiseaux ne se nourrissent pas d’une autre manière."



 13 - DON GARCIA DE SILVA FIGURERA - Ambassadeur du roi d’Espagne en Perse, né vers 1550, il rejoint son poste en 1607 sur un petit navire marchand, et il s’arrête à Mascate. Il y reste quelques jours, ce qui lui permet de visiter la ville et de s’émerveiller des plantations des moines augustins.

« … car encore qu’il n’y ait que six ou sept ans qu’on les a plantés … le terroir est si bon qu’elles ne laissent pas d’être toutes chargées de grosses grappes de dattes, aussi parfaites et aussi bonnes que les meilleures de tout l’Orient. »

14 - PEDRO DELLA VALLE - Né à Rome en 1526, très fortuné, il visite le Moyen Orient, épouse une Géorgienne, se rend en Inde, et au retour débarque à Mascate en 1625. Au retour à Rome, il publie ses mémoires en quatre volumes, sous forme de lettres.

"La nuit que nous entrâmes dans le port de Mascate, nous ne débarquâmes point à cause de l’obscurité, et nous dormîmes dans le vaisseau, à l’exception du capitaine du navire qui se rendit à terre avec quelques autres, par ordre du Gouverneur de Mascate, pour l’entretenir et lui rendre compte de ce qu’il désirait de lui … la chaleur est insupportable dans la ville, tant à cause du climat, que parce que les maisons y sont basses et environnées de montagnes, que le vent ne pénètre point et où la réverbération du soleil agit avec plus de violence … »

15 - SIR THOMAS HERBERT - Voyageur et écrivain anglais, né en 1606, il suit la carrière diplomatique et voyage pendant quatre ans. Comme tout voyageur,  il publie en 1636 le récit de son voyage en Orient. Il décrit ainsi Mascate :

"De l’autre côté du golfe, en Arabie Heureuse, est située la ville de Muscat ou Mascate … Elle est la meilleure ville et place de toutes celles que les Portugais possèdent dans cette région pour des frégates, jonques, et autres vaisseaux tant de guerre que de commerce … La citadelle est grande et bien défendue. Les fortifications sont garnies d’une belle artillerie."

16 - PHILIPPE DE LA TRÈS SAINTE TRINITÉ - Carme déchaussé français et missionnaire, il nait en 1603, près d’Avignon, voyage en Perse, en Inde et s’arrête une quinzaine de jours à Mascate. Il semble être le premier Français qui ait laissé un récit écrit sur son passage en Oman.

"Mascate est la plus forte place des Portugais où il y a deux châteaux très bien fortifiés … Son port est fort vaste, fort commode, et fort assuré, tant des tempêtes de la mer que des incursions des ennemis … Il y a  quantité de palmiers, et l’on y trouve dans la terre de la monnaie ancienne dont l’inscription est en caractères latins."

17 - JEAN-BAPTISTE TAVERNIER - Joaillier français, né à Paris en 1605, il est un des plus fameux voyageurs du XVII ème siècle ; grand voyageur en Europe, puis en Orient et aux Indes, il amasse une fortune considérable dans le commerce des diamants, des perles et des pierreries. Il est anobli par Louis XIV.

"Mascate est une ville et une principauté souveraine, la meilleure de toute l’Arabie Heureuse. Il y croit tout ce qui est nécessaire à la vie de l’homme, mais particulièrement de beaux fruits et surtout d’excellents raisins dont on pourrait faire du bon vin … C’est ce prince de Mascate qui a la plus belle perle qui soit au monde, non pour sa grosseur, car elle ne pèse que douze carats et un seizième, ni pour sa parfaite rondeur, mais parce qu’elle est si claire et si transparente que l’on voit presque le jour au travers."

18 - FRANÇOIS DE LA BOULLAYE LE GOUZ - Gentilhomme angevin, né vers 1610, pris du désir de parcourir le monde, il visite la Turquie, la Perse, l’Inconstant, l’Égypte. Il fait une courte halte à Mascate en 1648, il décide de se baigner mais il est contraint très rapidement de remonter à bord du navire.

"Le dixième avril, nous eûmes un calme et une chaleur extraordinaire ; quelques Anglais se baignèrent ; je voulus être de la partie et me jetai dans la mer avec les autres. Me laissant aller doucement sur cet élément, je ne me souvenais plus de mes travaux dans la satisfaction que je recevais de ce rafraîchissement, mais elle ne fut pas de longue durée, parce que le capitaine de vaisseau appela ceux qui se baignaient, tout transporté de crainte qu’un requin qui paraissait et venait du côté de la proue ne lui dévorait quelqu’un de ses gens. Alors la peur me saisit, moi qui ne l’avais jamais connue, me sachant un ennemi contre lequel il n’y avait point à combattre … je vis ce poisson à trente pas de moi la tête hors de l’eau, qui tirait vers le lieu où j’étais, je n’eus pas empreigné la corde, que je me trouvais sur le tillac, la nature ayant fait un effort dont je m’aperçus qu’après avoir échappé au péril."


19 - VINCENZO-MARIA DI SANTA CATARINA DA SIENA - Carme déchaussé italien, il est envoyé par le Pape en Inde en 1656. À son retour, trois ans plus tard, il fait escale à Mascate. L’époque n’est pas propice, car les Portugais viennent d’en être chassés et les Omanais font aux anciens occupants catholiques une chasse sans merci. En définitive, tout se passe fort bien. L’imam les autorise même à célébrer la messe.

"Au décès d’un chevalier de la famille Massey vinrent de nombreux Chrétiens qui étaient restés prisonniers à la suite de la prise de la ville. Parmi ces derniers, les Giovani do Casa Andrada furent certainement ceux qui se montrèrent les plus empressés. Armuriers de profession, ils s’étaient attiré la bienveillance du roi imam à tel point qu’il leur avait confié le commandement de l’artillerie d’une des forteresses et de l’armurerie du palais. Le roi ne les  considérait plus comme des prisonniers mais comme des familiers de sa maison."

20 - MANOEL GODINHO - Jésuite portugais, né en 1630, il visite avec surprise des ruines immenses, mais complètement ignorées : l’antique Babylone. Il ne veut pas s’arrêter à Mascate, car il y risque sa vie en tant que Portugais. il doit payer grassement (500 roupies) le capitaine arabe du  bateau pour ne pas y faire escale.

"Le vaisseau s’approchait de la rive, contrairement à ce que le nacoda (capitaine arabe du bateau) m’avait promis. Je lui ai fait remarquer avec empressement le risque mortel auquel il m’exposait, car les Arabes ne faisaient pas de quartier aux Portugais … Faisant signe à mon ami persan, nous sommes sortis de la pièce. Nous nous sommes consultés sur la solution à présenter et nous avons décidé de faire fléchir le nacoda avec de l’argent. J’ai aussitôt donné à mon ami persan une forte somme et il est allé parler au nacoda."

21 - LE CHEVALIER FRANÇOIS MARTIN - Gouverneur général des Indes et fondateur de la ville de Pondichéry, il est né à Paris en 1634. il commence par s’engager dans la Compagnie Française des Indes Orientales et va ouvrir des relations commerciales avec Bandar Abbas (Perse). Il fait halte à Mascate. Il fortifie ensuite Pondichéry, qui est attaquée et prise par les Hollandais en 1693. Mais Pondichéry est rendu à la France et Martin y retourne comme gouverneur.

"Mascate est une ville considérable de la côte de l’Arabie heureuse ; elle a été longtemps sous la domination des Portugais, sur qui les Arabes l’enlevèrent en l’année … On dit qu’il y a une forteresse imprenable. Depuis ce temps-là, les Portugais et les Arabes se font une guerre cruelle et sans quartier. Quoique cette ville soit dans une situation des plus chaudes, on y trouve néanmoins de bons rafraîchissements qui y viennent de dedans les terres."

22 - ROBERT PADBRUGGE - Hollandais engagé dans la Compagnie Hollandaise des Indes Orientales, il se voit confier en 1670 une mission diplomatique auprès de l’imam d’Oman. L’imam est très favorable à un accord mais les deux pays n’ont pas les mêmes objectifs. Pour les Omanais, l’alliance avec la Hollande est avant tout militaire contre les Portugais. Pour la Hollande, le traité ne peut être que commercial. Padbrugge est le premier Européen à donner une description détaillée des imams omanais.

"L’imam est par ailleurs doté d’un visage agréable et d’un nez aquilin, ce qui doit être caractéristique des Arabes, car nous avons observé un grand nombre de pareils nez ici. Les Omanais se peignent également les ongles de rouge … Ils se comportent, tant entre eux qu’à l’égard des inconnus, de manière civile, amicale, généreuse et obligeante … Ils aiment la vertu et le courage et les récompensent par l’attribution des plus hautes fonctions, ou par des hommages publics rendus par tout le peuple."



 23 - JAN STRUYS - Célèbre voyageur hollandais du XVII ème siècle, il visite le Japon, Formose, la Perse, l’Arabie, passe par Mascate en 1672, puis se rend aux Indes et à Ceylan. Il est célèbre par sa gravure de la capitale omanaise.

"Le premier jour d’août nous fîmes voile et tirâmes vers Mascate qui est une ville bâtie sur le bord de la mer. L’accès en est fort difficile, étant située vis à vis de quelques rochers et au pied d’une montagne où les Portugais avaient trois ou quatre forts. Il est à remarquer que Mascate est une ville du Levant où les chaleurs sont les plus insupportables. Mais quelque dangereux qu’il soit sur terre, lorsqu’on est en bateau sur quelque rivière et que ce vent souffle, il ne fait de mal à personne."


24 - JOHN FRYER - Médecin et voyageur londonien, il rejoint la Compagnie anglaise des Indes Orientales. C’est en mars 1676 que Fryer passe à Mascate.

"Dans la nuit nous vîmes Mascate avec ses hautes et terrifiantes montagnes qu’aucune ombre, hormis celle des cieux, ne vient cacher, alors que celles qu’elles projettent couvrent sans ménagement la ville. À bord du navire, au coucher du soleil, ces montagnes réfléchissent une chaleur insupportable ; et pourtant c’est en leur
torride giron que les pilotes trouvent un havre sûr pour leur navire battu par les vents, car l’eau y tempère la chaleur de l’air."

25 - ENGELBERG KAEMPFER - Voyageur et naturaliste allemand né en 1651, il est secrétaire de l’ambassadeur du roi Charles XI de Suède en Perse, il passe 3 jours à Mascate pour aller en Chine, au Japon, en Indonésie.

"Les maisons sont, pour une partie, des huttes couvertes d’une toiture de palme, mais agrémentées de petites courettes attenantes. Elles sont plus propres, plus agréables, plus spacieuses que celles que nous avions vues sur les côtes persanes. On trouve aussi des monticules de terre et de pierres mêlées et des ruines … il y a aussi quantité de petites dattes fraîches et sucrées, ainsi que celles de l’année précédente, confites avec leur noyaux."

26 - JOHN OVINGTON - Chapelain du roi Jacques II d’Angleterre, il s’embarque en 1689 pour les Indes orientales. C’est au printemps 1694 qu’il arrive à Mascate. Fin observateur, il observe les mœurs et les coutumes des Omanais et apprécie tout particulièrement leur attitude amicale vis à vis des étrangers.

"La manière dont la justice s’administre parmi les Arabes de Mascate, et leur caractère honnête et obligeant ne sont pas moins remarquables  et dignes d’être admirés que leur grande tempérance et leur sobriété … Les Arabes sont fort civils dans leur comportement et très honnêtes à l’égard des étrangers : ils ne font jamais de violence ni d’affront à aucun. Un voyageur peut dormir en pleine campagne et dans les grands chemins, son argent à côté de lui, sans courir aucun risque."

27 - ALEXANDER HAMILTON - Marchand et voyageur écossais, il a eu l’occasion de visiter la plupart des ports du monde. Il s’arrête à Mascate en octobre 1715.

"Les Omanais ne font pas de distinction entre les convives : le roi et le soldat, le maître et l’esclave s’asseyent ensemble et se servent dans les mêmes plats. Mais les femmes ne prennent jamais leurs repas avec les hommes … Les Arabes de Mascate sont remarquables par leur humilité et leur civilité envers les étrangers, même le gouverneur qui, remarquant à ma peau et à ma mise que j’étais étranger, ordonna à sa garde de se ranger sur un seul côté de la rue, me priant de m’avancer. Il resta immobile et me laissa passer."

28 - CHARLES-HENRY, COMTE D’ESTAING - Amiral de France, né en 1729, se rend en Inde et se distingue au cours de différents combats. Il raconte la prise du Merry dans le port de Mascate.

"Le port de Mascate me semblait plus fort que je ne le croyais. Il est profond, son entrée est étroite et forme une espèce de croissant dont le fond est défendu par un fort très élevé qui présente un grand front."

29 - CARSTEN NIEBURH - Géographe danois, né en 1733, il visite la Perse, l’Irak, Jérusalem, il s’arrête à Mascate en 1765 et étudie longuement ce port.

"La mer y est si poissonneuse que non seulement on nourrit de poisson les vaches, les ânes et d’autres animaux, mais qu’on s’en sert même pour engraisser les champs. Les dattes y sont si abondantes, que l’on en exporte par mer des charges entières ; et l’on n’y manque point de fruits, de légumes, de mines de plomb et de cuivre."

30 - FRANÇOIS, VICOMTE DE PAGÈS - Officier de marine et voyageur français, né en 1740, se rend en Louisiane, au Mexique. Il fait halte à Mascate en 1770. Il n’en fait qu’une description sommaire.

"J’attribuai la tranquillité des Arabes dans cette ville à leur habitude avec les étrangers, au nombre des nations et des différentes religions que l’on y voit, ainsi qu’aux vues de l’imam de ce royaume, qui veut faire fleurir le commerce et sa marine."


31 - FRANÇOIS-ETIENNE, COMTE DE ROSILY-MESROS - Cet amiral français, né en 1748, prend part à divers combats navals. Son nom est inscrit sur l’Arc de Triomphe de l’Étoile. En mission dans l’Océan Indien, il arrive en 1785 à Mascate, où il doit régler une situation délicate : deux navires corsaires français ont capturé le navire de l’imam ! Cet incident diplomatique se termine fort bien : la France dédommage le souverain en lui offrant un autre vaisseau.

"Les habitants furent d’abord surpris et en désordre de voir un bâtiment de cette force dans leur port. J’envoyai un officier à terre les assurer de notre amitié et que mon arrivée ne tendait qu’à y montrer le pavillon du Roi de France, qui désirait étendre son commerce … je dit au gouverneur que je ne doutais pas que si ses plaintes étaient justes que l’on ne lui rendit justice, que d’ailleurs j’étais venu ici dans des vues pacifiques, mais que je ne craignais pas la guerre. Tout s’apaisa et se passa amicalement."



 32 - KWAJA ABDUL QUADIR - Ce secrétaire d’ambassade auprès de la Porte Ottomane a relaté le périple d’une impressionnante ambassade de 900 personnes arrivant à Mascate en 1786. Non seulement il énumère la vingtaine de fruits et légumes et les emplettes des « touristes » en épices, mais il traite aussi de la météo propice à leur culture :

"À Mascate, on conserve le nom des quatre saisons bien qu’il fasse beau toute l’année. Il fait chaud du début du mois de juin jusqu’à la fin du mois d’août. Cette saison s’appelle rabi (printemps) au cours de laquelle murissent les dattes, le raisin, les mangues, les figues, les melons et les pêches …"

33 - DANIEL SAUNDERS - Officier de la marine marchande américaine, son navire fait naufrage au large des côtes d’Oman en 1792. Rescapé et démuni de tout, il est vite remis sur pied grâce à l’aide apportée par les Omanais et l’agent anglais de la Compagnie des Indes.

"Dès que nous eûmes débarqué à Mascate, l’agent anglais s’en alla trouver le gouverneur … Nous arrivâmes bientôt à destination et fûmes très bien reçu par le gouverneur et ses hommes …"



34 - VINCENZO MAURIZI - Médecin de Sa Hautesse, il est le type parfait de l’aventurier. Il voyage en Turquie, en Égypte, en Irak. À Mascate, en 1809, il devient le médecin personnel du sultan et commande les forces armées du souverain. Lors d’une visite d’une fonderie de canons dirigée par un Persan, le jour où de nouveaux mortiers devaient être essayé, l’un d’eux explose et un éclat de cuivre vole autour du médecin, qui s’en tire par chance. Suit le repas de circonstance :

"On remarque que les Arabes ne boivent jamais pendant qu’ils mangent, mais seulement une gorgée lorsqu’ils ont terminé. Une fois le repas fini, tous les invités répètent allam-dullila (Grâce soit rendue à Dieu)."

35 - JAMES SILK BUCKINGHAM - Journaliste anglais, né en 1786, marin prisonnier des Français, libéré, il s’installe en Inde. Il s’arrête en 1816 à Mascate, où il est particulièrement impressionné par la civilité de la population.

"Un des signes distinctifs de Mascate, par rapport aux autres villes arabes, est que toutes les couches de la population s’y montrent courtoises et respectueuses envers les Européens … La tranquillité qui règne dans la cité, la tolérance et la civilité que l’on montre envers les étrangers de toutes confessions sont à attribuer  au tempérament inoffensif de la population, plus qu’à la compétence de la police, comme on l’a parfois laissé penser. En vérité tout est fait pour favoriser la liberté de mouvement, la sécurité et l’accueil des étrangers."

36 - JAMES FRAZEL - Né en 1783, ce voyageur et écrivain écossais, qui se promène des Antilles aux Indes, en passant par Mascate en 1821. Il nous donne une vision très positive des produits de la pêche, à en faire venir l’eau à la bouche.

"Je ne connais aucun endroit qui soit l’égal de Mascate pour l’abondance, l’excellence, et peut-être même pour la diversité de ses poissons. En permanence, l’eau autour du bateau grouillait de ces derniers … on y trouvait des huitres en quantité, de petite taille mais très savoureuses, ainsi que d’autres crustacés. Ils étaient vendus à des prix très bas … Nous avons appris que les marchés de Mascate étaient soumis à des règles très strictes afin d’améliorer la santé de la population et la propreté de la ville."

37 - WILLIAM RUSCHENBERGER - Médecin du Peacock, navire américain, qui atteint Mascate en 1835 pour échanger les instruments de ratification du traité d’amitié et de commerce signé en 1833. C’est l’occasion d’une fête.

"Dès que nous fûmes assemblés autour des tables, Sa Hautesse nous déclara qu’en pareilles occasions il n’avait pas coutume de prendre part au repas de ses hôtes, mais au contraire de se retirer pour laisser ces derniers se divertir sans réserve. Il nous dit toutefois que si nous souhaitions qu’il reste, il se plierait à nos désirs. Monsieur Roberts lui répondit que nous ne souhaitions aucunement contrarier les usages de nos amis arabes, et que même absent, Sa Hautesse serait avec nous en pensée."


38 - JAMES RAYMOND WELLESTED - C’est un officier de marine et explorateur anglais qui arrive à Mascate en 1835 avec le projet d’explorer l’intérieur de l’Oman. Le Sultan Saïd ben Sultan l’aide activement dans ses préparatifs.

"Tout préparé que je fusse par ce qu’on m’avait indiqué au préalable de la libéralité caractéristique de Sayid Saïd à ne rencontrer aucune hostilité à l’égard de mon projet, je fus surpris au delà de tout ce que j’avais pu imaginer par son empressement à seconder mon dessein … et il ajouta, sur un ton de sincérité  indubitable que ces mots ne viennent pas de la langue mais du cœur."

39 - VICTOR FONTANIER - Naturaliste et consul de France à Bassorah, né en 1796, il visite l’Arabie et la Mésopotamie. Il reste plusieurs jours à Mascate en 1838.

"Le fils de l’imam, que j’aillais visiter, me témoigna de son côté beaucoup de politesse … Je regrettai beaucoup d’avoir visité Mascate pendant l’absence de l’imam …"

40 - RÉMI AUCHIER-FLOY - Voici maintenant un botaniste français, qui voyage en Turquie, en Syrie et en Perse, dans le but de réunir des collections de botanique et de zoologie. Il débarque à Mascate en 1838.

"Je suis accompagné par un soldat de l’imam … Nous nous arrêtons près d’un village bâti sur le bord d’une rivière. Les habitants étaient tous en émoi, poussant des cris affreux. Ils faisaient retentir tous leurs ustensiles de cuisine pour repousser une nuée de sauterelles qui obscurcissaient l’air et menaçaient de détruire leurs récoltes."


E41 - THÉODORE LAPLACE - Amiral français, né en 1793, il voyage en Inde, en Amérique du sud. En 1835, il prend le commandement de la frégate l’Artémise. Il fait escale quelques jours à Mascate. Comme il se doit, il fait une visite au Sultan puis prend la liberté de visiter la ville et gagne à cheval l’arrière-pays où il est agréablement surpris par la tendre affection portée par les Omanais pour leurs chameaux.

"Ici, j’observais avec intérêt les soins que chaque conducteur prodiguait à son chameau ; il lui donnait à manger dans sa main quelques mauvaises herbes  ramassées avec peine dans les environs. Il le caressait, lui parlait d’un ton très doux, en le chargeant ; aussi la pauvre bête obéissait-elle avec empressement et avec une intelligence tout à fait intéressante. Pour un Bédouin, son chameau est un ami qu’il préfère souvent, dit-on, à sa femme et à ses enfants."

42 - THÉOGÈNE-FRANÇOIS PAGE - Un autre amiral français, né en 1807 ; polytechnicien, il sort dans la marine. Il prend part à l’expédition du Mexique, fait plusieurs voyages en Inde et dans le golfe arabe-persique et fait deux haltes à Mascate en 1841 et 1842.

"Au sortir de Mascate, et en se dirigeant vers le sud, on découvre le vallon au fond duquel est la petite ville de Sidab. Le tableau est beau, car les couleurs du ciel, du sable et les teintes sombres de la pierre font de fortes oppositions où le moindre bouquet de verdure ressort avec un charme inexprimable."

43 - IDA PFEIFFER - C’est une voyageuse autrichienne, l’une des plus étonnantes et intrépide voyageuses de l’histoire. Née en 1797, elle « fait » la Turquie, l’Égypte, l’Europe, l’Amérique du sud, Hong Kong … Elle fait escale à Mascate en 1848. Malgré la chaleur, elle visite tout ce qui lui est possible, tandis que ses compagnons de voyage restent à bord.

"… De cette vallée (Mutrah), j’entrai dans une autre qui contient la plus grande curiosité de Mascate : c’est un assez grand jardin qui, avec ses palmiers, ses dattiers, ses fleurs, ses plantes et ses légumes offre réellement l’image d’une oasis dans le désert. Cette végétation est due en grande partie à une irrigation infatigable. Le jardin appartient à un prince arabe. Mon guide me semblait être très fier de cette merveille ; il me demanda s’il y avait d’aussi beaux jardins dans mon pays. »



 44 - ARTHUR, COMTE DE GOBINEAU - Né en 1810, il devient secrétaire d’ambassade en Perse. Il excelle dans la chronique romancée, le roman, la nouvelle et les chroniques de voyage. Par exemple un portrait du Vizir (premier ministre) :

"Impossible de rencontrer une physionomie plus fine, plus spirituelle, plus compréhensive. Évidemment  cet homme d’État était le confident et l’ami de son souverain et l’était devenu par une grande similitude d’intelligence … Quand l’imam nous quitta, les adieux furent tendres. Il nous avait déjà donné les marques ordinaires de l’hospitalité orientale en nous envoyant à dîner par ses cuisiniers …"

45 - DAVID COWANS - Et maintenant un capitaine au long-cours canadien, passionné par les récits de voyage ; de mousse il devient commandant et vit 27 ans d’aventures. Il fait plusieurs fois escale à Mascate, et invite à bord de son navire le sultan, mais qui, se préparant à un départ imminent, lui envoie comme témoignage d’amitié, l’orchestre de la Cour.

"Entouré par ses dignitaires, le sultan était le parfait exemple de l’Arabe cultivé, et nous fûmes bientôt à l’aise en sa présence … Le souverain entama la conversation en me remerciant une nouvelle fois d’avoir salué ses couleurs, précisant qu’il n’attendait pas un tel geste de la part d’un navire marchand."


46 - WILLIAM PALGRAVE - Jésuite anglais, en mission pour Napoléon III, né en 1826 ; pendant quinze ans, il est missionnaire aux Indes et en Syrie. En 1863, une tempête  soudaine et d’une rare violence fait couler le navire marchand sur lequel il se trouve. Avec une dizaine de rescapés, il gagne la côte à la nage.

"Ce fut naturellement le capitaine qui prit la parole au nom de tous les naufragés. Le roi le reçut d’un air de compassion, demanda de quel pays était notre vaisseau, de quoi se composait son chargement, dans quel port il se rendait, combien de personnes avaient péri, comment nous avions échappé à la mort ; puis après avoir promis à l’infortuné propriétaire un dédommagement de ses pertes, il donna des ordres pour que nous fussions logés au Palais. Pendant ce temps, l’un des gardes, s’approchant de Youssef et de moi, nous offrit d’être notre hôte."

47 - LOUIS-BARTHÉLÉMY DENIS DE RIVOYRE - Né en 1830, c’est un homme d’affaires et écrivain français qui apprend l’arabe et le turc. Il crée plusieurs sociétés commerciales. Il débarque à Mascate en 1880 et est reçu avec beaucoup de gentillesse par le sultan.

"… Le sultan m’exprima tout d’abord son regret de ne plus voir d’agent français à Mascate. Jadis il y en avait un. Puis il s’informa si la France n’était plus en guerre et si elle continuait à n’avoir pas de roi … J’attendais qu’il me donnât le signal du congé. Pas du tout ! C’était lui qui se pliait à ma convenance autant que j’eusse tenu à rester. À la fin je me levai. Il me tendit la main en me renouvelant ses assurances de bon vouloir."

48 - JANE DIEULAFOY - Archéologue française née en 1851. Mariée à un archéologue, ils découvrent les restes du palais de Darius à Suse. Pour plus de facilité dans ses voyages, elle adopte le costume masculin. Arrêt à Mascate en 1884. Sujet d’intérêt : les lions en cage à l’entrée du palais.

"Et ces lions, comme ils me rappellent bien les fauves conservés pour les chasses royales dans les palais d’Assourbanipal ! Comme elles paraissent vécues, les aventures de Daniel !
L’Imam accueille avec affabilité les étrangers. Dès leur entrée, ses hôtes sont aspergés d’eau de rose avec une telle prodigalité !"


49 - LÉOPOLD, BARON VON JEDINA-PALOMBINI - Aide-de-Camp de l’Archiduc Léopold-Ferdinand, né en 1849, connaissant l’Afrique, le Mexique, la Chine, le Japon … En passant par Mascate en 1887, il reçoit du sultan Turki Ibn Saïd un accueil des plus chaleureux.

"Nous étions en compagnie de personnages orientaux qui nous fascinèrent, en commençant par le sultan lui-même, à l’attitude noble et distinguée … Pendant ce temps, on avait servi du café et du scherbet (eau sucrée mélangée à de l’eau de rose), puis on répandit des gouttes d’huile de rose sur la toile de nos sacs. On prit congé de nous avec autant de noblesse qu’on nous avait reçu et on nous reconduisit."


50 - FREDERICH ROZEN - Ministre des Affaires Étrangères d’Allemagne. Né en 1856 : études en langues orientales ; d’abord enseignant, il participe à la diplomatie allemande. En 1887, revenant des Indes, il passe par Mascate.

"… Une fois la collation terminée, le souverain s’adressa à moi : Mais qu’êtes-vous donc venu voir dans cet endroit désolé qui ne consiste que de deux bâtiments et de  quelques huttes misérables, de roches calcinées et d’un désert aride au-delà de ceux-ci ? Fort heureusement, je me rappelai un proverbe arabe qui dit : Shàrafat al makàn bil makin (l’habitant fait l’excellence de l’habitat). Cela plut grandement au sultan qui me demanda si je désirais quoique ce soit qu’il fut en son pouvoir de me donner. Pour ma part, j’étais suffisamment rompu aux coutumes orientales pour répondre : je désire seulement une longue vie pour Sa Majesté et un règne glorieux."





51 - LORD CURZON - Administrateur et homme d’État britannique, né en 1859. Il entreprend cinq grands voyages qui l’emmènent aux quatre coins du monde. Il fait halte à plusieurs reprises à Mascate, notamment en 1889. Sa description est lyrique :

"Mascate, la capitale de l’Oman, est probablement l’un des sites les plus pittoresques de la planète. À distance, on voit jaillir de la mer d’énormes masses abruptes de roches granitiques et lugubres, découpant sur le ciel des créneaux irréguliers de falaises et  de rochers escarpés. Loin dans l’intérieur, les crêtes succèdent aux crêtes, surmontées de sommets éclatés et séparées par de chaotiques crevasses, donnant l’impression d’un pays à peine sorti du chaudron de l’ère primaire encore effrayé et noirci par les feux épouvantables."

52 - MAX, BARON VON OPPEINHEM - Diplomate et archéologue allemand. Il nait en 1860. Il participe à beaucoup de congrès d’orientalistes, et il démissionne de ses fonctions de ministre en 1910 pour se consacrer à l’archéologie. En 1895, il s’arrête à Mascate et nous livre la conversation qu’il a avec le sultan.

"Le sultan était d’une taille supérieure à la moyenne, son visage était beau et expressif, son nez typiquement arabe, fin et fortement busqué, ses lèvres charnues. Il avait de beaux yeux et de belles dents, la peau de couleur sombre, et portait la barbe taillée en pointe … Durant la conversation qui fut menée en arabe, on parla aussi bien de l’État, des voyages, de la famille du sultan, de la monogamie, de la question de l’absence d’un consulat allemand à Mascate. On servit du thé et du sharabat, une boisson préparée à base d’un sirop de pétales de roses pressées, puis des serviteurs entrèrent et nous aspergèrent d’eau de rose. Au moment de prendre congé, Sejid Fesal nous reconduisit en bas de l’escalier jusqu’au porche et nous chargea d’une lettre pour son beau-frère et cousin, le sultan de Zanzibar."

53 - EMILE     ALLEMANN - Lieutenant de vaisseau français, né en 1870. À bord de la canonnière le Scorpion, il fait halte à Mascate en 1898. C’est un événement ! Reçu par le Consul de France, puis par le Sultan, il relate avec verve et chaleur sa visite chez le souverain.

"Tous les notables de Mascate et des environs s’étaient réunis au palais et formaient une haie imposante dans la cour et sur l’escalier en haut duquel le sultan  Faysal bin Turki nous attendait. Sa Hautesse, suivant l’usage, nous fit d’abord entrer dans une petite salle, où il se fit présenter l’état-major du navire français, pendant que les serviteurs disposaient sur des plateaux les tasses de café et les verres de cherbet. Saïd Faysal bin Turki est un homme jeune encore, à la physionomie expressive, au regard plein d’éclairs."



 54 - PIERRE LOTI, de l’Académie française, écrivain et officier de marine. Né en 1850, il est officier de marine pendant quarante deux ans. Son vrai nom : VIAUD. Son pseudonyme lui a été donné par les suivantes de la reine Pomaré de Tahiti, en référence à une fleur de l’océanie. Loti s’arrête à Mascate en avril 1900.

"Cependant nous arrivions à Mascate, et des forteresses sarrasines, des petites tours de veille fantastiquement perchées, commençaient de montrer ça et là leurs blancheurs de chaux au faîte éblouissant des montagnes. Et, une baie s’étant ouverte dans ce chaos de pierres noircies, nous aperçûmes la ville des Imams, toute blanche et silencieuse, baignée de soleil et comme baignée de mystère, au pied de ces amas de roches qui simulaient toujours de colossales éponges carbonisées … Cette ville, à peine entrevue aujourd’hui, laissait dans mes yeux comme une traînée de couleur et de lumière, tandis que je m’éloignais maintenant, sous l’épaisseur du ciel sans étoiles. Je repensais aussi à l’accueil du Sultan, qui était pour attester combien, par tradition, par souvenir, on aime encore la France, dans ce pays de Mascate, où nos navires, hélas ! ne vont plus. Et cet accueil, j’ai voulu le faire connaître, voilà tout …"



 55 - LOUISE BEGUIN BILLECOCQ - Épouse du consul de France, née en 1881. Après trois ans passés en Égypte, elle suit son mari à Mascate, où ils séjournent pendant trois ans, le temps de faire un album de photographies récemment publié. Voici un extrait de la lettre envoyée à sa cousine :

"Une population bigarrée anime la ville et son port. Ceci n’est pas là pour me déplaire. Le plus surprenant est sans aucune doute le fait que ces hommes, si différents les uns des autres, vivent ensemble en fort bonne intelligence. Aussi vous comprendrez pourquoi Mascate n’est ni tout à fait une ville arabe, ni tout à fait une ville asiatique : elle est les deux, sans en avoir les inconvénients et les excès de l’une, ni de l’autre. Une authenticité singulière qui ne peut que séduire, exciter en somme ma curiosité."

56 - BERTRAM THOMAS - Explorateur anglais et Vizir du Sultan ! - Il est né en 1892. Pendant la première guerre mondiale, il a été mobilisé pendant deux ans en Mésopotamie. Il accepte en 1924 le poste de conseiller financier puis celui de Vizir auprès du sultan d’Oman.

"Allahu Akbar ! (Dieu est grand) éclata, prononcé par la voix de cinquante fidèle. Allahu Akbar ! tonnèrent cent autres voix, du même ton aigu. Ce takhir, ou magnificat du Bédouin fut notre signal pour monter et partir. Il y a peu de spectacles aussi émouvants que celui d’une importante troupe d’hommes à dos de chameau dans ces régions silencieuses de la terre : debout sur mes étriers, je me retournai, moi, le seul Européen de la troupe, pour regarder la longue colonne qui passait devant la petite mosquée, à la lisière  de la palmeraie, et je trouvai que nous avions fière allure."



 57 - Docteur FRED BLANCHOD - Né en 1883, il pratique son métier pendant vingt-cinq ans. C’est dans « Escale chez les Pêcheurs de Perles » paru en 1942 que le docteur Blanchod relate son passage à Mascate l’année précédente. Il fut notamment amusé et intrigué par une distraction fort prisée des Mascatins, le jeu des mouches : on étend un tapis sous un arbre, et chacun y place une pièce d’argent. Les mouches arrivent d’un peu partout et se posent un peu partout. La première qui se pose sur la pièce d’un joueur le désigne comme vainqueur. Bien entendu toutes les tricheries sont possibles : sirop parfumé, tache graisseuse, crottes de poule …

"La rue principale de Mascate est une entrée dans un monde nouveau et pittoresque. Sous les larges auvents des boutiques, tandis que l’encens fume dans les coupelles de cuivre, les marchands hindous à face de terre cuite, vêtus de cotonnade blanche et coiffés du bonnet de velours foncé, brodé d’or, débitent les pièces de tissus aux couleurs voyantes ; les orfèvres façonnent et cisèlent les manches  de poignards et les larges anneaux d’argent que les femmes ont aux pieds. Partout la chaleur coule sa béatitude."

58 - WILFRED THESIGER - Explorateur et écrivain anglais, né en 1910, il est un des plus étonnants explorateurs contemporains. DE 1945 à 1950, en compagnie de Bédouins, il entreprend l’exploration des montagnes d’Oman, etc. Il possède une importante collection de photographies.

"J’étais heureux en compagnie de ces hommes qui avaient choisi de venir avec moi. J’éprouvais de l’affection à leur égard et de la sympathie pour leur mode de vie. Même si j’étais heureux de l’aisance de nos relations d’égal à égal, je ne me faisais pas d’illusion sur le fait que je ne serais jamais l’un des leurs. Ils étaient Bédouins, je ne l’étais pas ; ils étaient musulmans et j’étais chrétien. Néanmoins j’étais leur compagnon et un lien inviolable nous unissait, identique au lien sacré qui existe entre un hôte et son invité, un lien qui transcende le loyalisme tribal et familial. Parce que j’étais leur compagnon de route, ils prendraient ma défense même contre leurs propres frères et ils exigeraient en retour que j’en fasse autant."


 59 - SUZANNE, DUCHESS OF ST ALBANS - Elle est née en 1921 en Malaisie. Chargée du service de l’information, elle participe à la campagne d’Italie. En 1979, elle fait un voyage en Oman ; elle se trouve à Mascate quand la Reine d’Angleterre vient rendre visite au Sultan Qabous.

"Le Sultan a voulu s’assurer qu’il recevait la Reine dans une ville propre et nette. Hormis le fait que Mascate ait été repeinte, des efforts très considérables ont été faits pour l’occasion, dans tous les domaines. Partout des arcs de triomphe enjambaient les rues et les routes de campagne. Ils étaient décorés de petits messages touchants comme « Qabous souhaite la bienvenue à Elisabeth II », « Puissent les colombes de la paix survoler la planète entière », « Grâce à l’éducation et à la confiance, les Omanais développent leur nation ». Une immense silhouette du château de Windsor, découpée dans du carton-pâte, se dressait au-dessus de la route qui mène à l’aéroport, et parmi les roches stériles de la Corniche, un moulin, figuré par des ampoules électriques rouges, montait une garde solitaire."



 60 - PRINCE XAVIER BEGUIN BILLECOCQ - 28 janvier 1992 - Sitôt le Président Mitterand et son épouse arrivés, le voyage officiel  auprès de Sa Majesté le Sultan Qabous peut commencer. Un voyage de trois jours à Mascate, dans la patrie de Sindbad le Marin, trois jours faisant de la dizaine d’invités que nous sommes les heureux témoins d’une visite exceptionnelle.

"… Sa Majesté porte une tunique noire au plastron largement brodé d’or. Des sourcils froncés bien fournis et une barbe blanche médiculeusement taillée encadrent un regard doux et bienveillant. Le turban aux couleurs de la dynastie Al-Saïd, un camaïeu de rouges, lui donne fière allure.

À peine sommes-nous assis qu’un impressionnant ballet de mets démarre : délicatesse omanaises et spécialités originaires des  anciennes possessions du Sultanat dans l’Océan Indien. Que de plats ! Que faire ? Peut-on, sans enfreindre les règles de l’hospitalité et du protocole, en refuser un ? Quelle est la conduite à tenir en pareille circonstance ? Au regard hésitant de mes compagnons de voyage, je comprends qu’ils se posent la même question. Mes voisins, les Ambassadeurs de l’Inde et du Sri Lanka me sortent de ce dilemme diplomatique : selon les règles de l’hospitalité arabe, chacun choisit ce qui lui plait."


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Fermez le ban !

Nous nous sommes glissé derrière cette imposante cohorte pour y ajouter notre grain de sel. Tout a été dit, mais on peut rajouter ceci au XXI ème siècle :

• Une démocratie participative efficace, un peuple aimable - très - , une gouvernance éclairée : si c’était un objet, ce serait ... une perle dans l'océan de l'Islam.
• Le réseau d’autoroutes est très  important dans la plaine côtière, et gratuit ... à la demande du sultan. On admirera aussi la propreté de l’espace public.
• L’émancipation de la condition féminine est en cours, en douceur. De plus en plus de femmes ont leur voiture, leur téléphone portable et vont travailler à l’extérieur.
• On y construit beaucoup ; les nouvelles construction doivent conserver un style omanais, les anciennes ne doivent pas être détruites, mais peuvent être rachetée par le gouvernement qui fournit aux anciens propriétaires un logement neuf.
• On trouve évidemment dans le souk de Mascate de l'encens et des épices à gogo.

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Comment ! Vous n'avez pas encore pris votre billet d'avion, alors que notre guide Abdul (ahamoto@yahoo.com) vous attend ? Il vous envoie un échantillon de ses photos :





Auxquelles nous joignons notre petit florilège :





Mais les Dupont et Dupond ont visité le souk de Mascate :




- Et pourtant nous avions pris toutes nos précautions pour passer inaperçus ...
- Je  dirais même plus : à leurs signes d'amitié, ils nous avaient pris pour deux des leurs !
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Bon nombre de vidéos ont été publiées sur le sultanat d'Oman, nous en avons choisi deux, atypiques :
 • La cavalerie royale du Sultan :

https://www.youtube.com/watch?v=tJUIMZK9qpo

• Et le point de vue de l'Office du tourisme d'Oman :
 

Enfin, nous vous suggérons même de regarder notre vidéo : "la ballade des gens heureux" :