LA VIE AU TEMPS DES RAMSÈS

 


Création le 23 septembre 2015

Pourquoi nos collections sont-elles mille fois plus riches en sarcophages et en stèles qu’en objets fabriqués pour les besoins des vivants ? C’est parce qu’il faisait  bien vivre au bord du Nil ; les Égyptiens débordaient de reconnaissance envers leurs dieux et cherchaient par tous les moyens à jouir jusqu’à dans leurs tombeau des biens de ce monde.

Pour son étude, Pierre Montet a choisi la période des Sétoui et des Ramsès, c’est à dire de 1320 à 1100 avant Jésus-Christ, période illustrée par trois règnes magnifiques, celui de Sétoui 1er, de Ramsès II et de Ramsès III. Pierre Montet a utilisé ces sources avec un très grand talent et sans perdre de vue qu’elles portent sur trois mille ans d’histoire et que, pendant cette période, les mœurs égyptiennes ont subi une évolution marquée.


Que n’apprenons-nous pas ! … Que les époux faisaient chambre à part, au moins chez les gens aisés ; que la femme infidèle était punie de mort ; que si tous les enfants étaient bien accueillis, le désir d’avoir un garçon était universel ; que la culture des céréales était la culture essentielle et que la préparation de la farine et du pain était longue et minutieuse ; que cette époque connut, comme la nôtre, bien des guerres avec l’étranger et bien des troubles intérieurs …

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Pierre Montet (1885-1966) dirigea au Liban et en Égypte des recherches qui ont abouti à des découvertes parmi les plus importantes du siècle. Professeur à l’Université de Strasbourg, puis au Collège de France, ses travaux l’ont fait élire à l’Institut de France, à l’Institut d’Égypte et à l’Institut allemand d’Archéologie.

 
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 Dans l’esprit de tout un chacun, l’Égypte ancienne se compte sur les cinq doigts de la main : les hiéroglyphes, les Pharaons, les tombeaux, les pyramides, les dieux. Et le peuple ? Pierre Montet nous en a brossé la vie en 12 chapitres. Donc, suivons le guide.

1 - L’HABITATION

Les villes pharaoniques sont maintenant réduites à des collines de poussière, semées de tessons de poterie et de débris minuscules. Non seulement les briques crues ont été victimes de l’outrage du temps, mais les habitants actuels ont pris l’habitude de rechercher des antiquités.

Restent les écrits et les images peintes. On apprend ainsi que Ramsès II était passionné d’espaces verts : «J’ai fait fructifier la terre entière avec les arbres et les plantes. J’ai fait que les hommes puissent s’asseoir sous leur ombre ».

Dans la plupart des villes, il y avait plusieurs puits. On a même découvert des canalisations en poterie faites de vases sans fond qui s’emboitent les uns dans les autres et sont soigneusement cimentées.


Y avait-t-il des permis de construire ? Pas du tout, et aux époques troublées, ceux qui ont peur construisent leurs maisons dans le domaine royal ou divin. Et même un personnage considérable fait construire sa maison  dans la première cour du temple pour que ses statues bénéficient des cérémonies sacrées. Mais en sens inverse, Ramsès en attendant l’arrivée de sa fiancée, fille d’un roi hittite, et qui traversait l’Asie mineure pour le retrouver, a la galante attention de faire construire dans le désert un château-fort où il va l’attendre. Il faut dire que Pharaon n’y allait pas par quatre chemins avec ses ennemis, pour preuve ses « tableaux de chasse » :




 Les grands personnages s’efforcent d’imiter le luxe et le confort des demeures royales : maisons à étages avec plusieurs cours, salles de bain et lieux d’aisance, ou puits en pierre pour l’eau potable. Jardins aux multiples espèces végétales, avec pièces d’eau. En matière de protection contre les animaux nuisibles, voici une recette souveraine contre les milans : on plante en terre une branche d’acacia et l’on dit : « vole, cuis-le, mange-le. » Il paraît que cela marche !

Le mobilier consiste essentiellement en sièges variés, avec des salles à manger sans table : chacun mange dans son coin. La vaisselle commune est en poterie, la vaisselle « de luxe » en pierre. On boit dans des vases en pierre. (Ramsès III ne pouvait se passer de son gobelet en or d’une contenance de trois litres). Les bureaux sont meublés d’armoires où l’on serre les manuscrits. Pas de table non plus pour les scribes : il leur suffit d’étaler le papyrus sur les genoux. Au besoin, ils écrivent debout, tenant le papyrus dans la main gauche.



2 - LES SAISONS

L’année est rythmée par la récolte : un hiéroglyphe la représente par une jeune pousse munie d’un bourgeon. Or la récolte, en Égypte dépend de l’inondation. Au début de juin, le pays souffre de la sécheresse. Et tous les ans, Hâpi, le dieu du Nil, rassure les Égyptiens inquiets en ramenant l’inondation. Il est représenté comme un homme bien nourri, avec sandales aux pieds - signe de richesse - et avec une couronne de plantes aquatiques sur la tête. 


Quatre mois après la première manifestation de la crue, le Nil est rentré dans son lit. Cette période d’inondation forme la première saison de l’année : akhit.

Deuxième saison celle de la sortie : périt, puis une saison des récoltes : chemou. Il n’y a donc que trois saisons. Pour la commodité, les trois saisons sont égalisées et partagées en douze mois de trente jours ; le calendrier se dérègle donc au fil des ans jusqu’à ce que le Pharaon remettait le calendrier en accord avec la nature.

Le premier de l’an est la fête de la déesse Sôpdit, et les fêtes se poursuivent pendant les inondations. Ramsès II s’adresse aux artisans qui embellissent ses palais : « J’ai rempli pour vous les greniers de toutes choses, gâteaux, viandes, pâtisseries, sandales pour vos deux pieds chaque jour, vêtements, parfums pour oindre vos têtes."

Mais attention : Horus (propriétaire de l’Égypte fertile) et Seth (propriétaire du désert) se disputent mais ils se réconcilient à la fin du troisième mois de l’inondation. Or Seth recommence ses méfaits. Les deux dieux se transforment alors en hippopotames et se tapent dessus pendant trois jours et trois nuits. Donc il y a des jours néfastes où il est interdit de faire beaucoup de choses : de se baigner, de voyager, de manger du poisson, de tuer un canard, d’allumer un feu dans sa maison, de prononcer le nom de Seth … Pour savoir quoi faire ou ne pas faire, il y a des oracles à qui on laisse une petite offrande.
  
Les Égyptiens divisent également la journée en 24 heures, mais il n’ont pas inventé la minute. Sont-ils curieux de savoir l’heure qu’il est ? Les prêtres sont là pour ça, avec des instruments pour observer les étoiles, ou à défaut des vases - les clepsydres -   qui sont calculés de façon que leur eau puisse s’écouler exactement en douze heures. Hormis les prêtres, le commun des mortels ne compte pas le temps. Et la nuit, si l’on fait un mauvais rêve, il suffit au matin de se barbouiller le visage avec une décoction de bière, d’herbe, d’encens, et le mauvais rêve est effacé.

3 - LA FAMILLE


Tout chef de famille possède sa maison. Fonder une maison et prendre femme sont des expressions synonymes. Et pour les amoureux, il est de bon ton de se donner un baiser sur le nez. Ils s’appellent « mon frère » ou « ma sœur ». Très souvent les époux vont ensemble au temple, ou faire un pèlerinage à Abydos.

Les peintres et les sculpteurs donnent de la femme une idée sympathique. Le père et la mère se tiennent par la main ou par la taille ; les enfants, tout petits, quelque soit leur âge, se tiennent près des parents. En revanche, la littérature n’est pas tendre pour la femme. Frivole, coquette et capricieuse, incapable de garder un secret, menteuse et vindicative, voire même infidèle. Mais les contes nous apprennent que la femme infidèle était punie de mort … En revanche, l’homme a le droit d’introduire des concubines dans sa maison. Le mari a le droit de battre sa femme, et le frère sa sœur, à condition de ne pas en abuser.

Le scribe Any conseille à ses lecteurs de se marier tôt et d’avoir beaucoup d’enfants. Les Égyptiens aiment les enfants, de préférence les garçons. Le rôle d’un fils est de faire vivre le nom de son père. Son devoir est de l’inhumer et d’entretenir sa tombe. Les premières paroles du nouveau né sont précieuses. S’il dit « hii», il vivra ; s’il dit « mbi », il mourra. Les Égyptiens n’ont pas de nom de famille. Et certaines histoires ont la vie dure : Moshe (Moïse) ne veut pas dire « sauvé des eaux », mais c’est l’élément final de certains noms et veut dire "né". Les noms sont parfois très courts : Abi, Toui, To , ou parfois très longs : Djed-Pta-iouf-ânkh (Pta dit qu’il vivra). Le nom peut signifier que le dieu est satisfait (terminaison en hotep). Horus donne Hori, Seth donne Setoui, Amon donne Ameni …

Les enfants vivent nus jusqu’au moment où on ne peut plus se contenter de leur mettre un simple collier. On donne au garçon un pagne et une ceinture, à la fille une robe.

En matière de personnel de service, il y a les serviteurs - hommes libres - et les esclaves. Les serviteurs libres sont des chemsou. leur rôle est d’accompagner leur maître dans ses sorties,  et, quand il s’arrête, de déployer la natte, l’étendre sur le sol, et de donner de temps en temps un coup de balayette. Leur hiéroglyphe contient une grande canne, une balayette. Au contraire, les hemou sont des esclaves. La plupart du temps, ils sont d’origine étrangère : Nubie, Libye, Syrie. Le maître peut vendre son esclave ou le louer en CDD. Un papyrus du Caire donne le mode d’emploi. Mais les esclaves qui savent se débrouiller arrivent à quitter la condition servile et à se fondre dans la masse de la population.

Venons-en aux animaux domestiques. Le chien, qui est le compagnon et l’auxiliaire de l’homme à la chasse, a ses entrées dans la maison. Mais le singe s’arroge le droit de le surveiller, ce qui n’est pas du goût du chien. Mais on apprécie aussi … les nains. À partir du Moyen Empire, les chats - représentants du dieu Amon - font aussi leur entrée dans la maison. Ils sautent volontiers sur les genoux de leur maître, et se font les griffes sur les belles robes de lin. Leur mettre un beau collier est une chose, mais il faut leur laisser l’accès à la jatte de lait. Quant à l’oie, qui représente la déesse Mout, elle peut faire bon ménage avec le chat, quand tout va bien.



4 - LES OCCUPATIONS DOMESTIQUES

Les anciens Égyptiens sont très propres et prennent soin de leur corps aussi bien que de leurs vêtements et de leurs habitations. Ils se lavent plusieurs fois par jour et fréquentent beaucoup les instituts de beauté. Particularité vestimentaire : les sandales. Pour ne pas les user, on ne les porte aux pieds que lorsqu’on est arrivé à destination. On ne s’étonnera pas d’apprendre que les papyrus médicaux indiquent que les Égyptiens avaient très souvent mal aux pieds. Les bijoux de natures diverses sont très appréciés dans la vie sociale, ainsi que les perruques pour la classe aisée.

La nourriture est un souci saisonnier : si la crue du Nil est trop forte ou trop faible, il y a risque de disette. Il faut donc constituer des grands approvisionnements pour faire la soudure. Que mange-t-on (avec les doigts) ? Du bœuf principalement. À l’abattage, un prêtre effectue un contrôle sanitaire. Beaucoup de volaille également, même si les poules ne sont pas connues. Quant aux poissons, il est interdit dans certaines villes, et à certaines époques,  de manger tel ou tel poisson. Allez savoir pourquoi ! Mais les gens ne s’en privent pas. Les oignons et les poireaux sont connus depuis la plus haute antiquité. Hérodote prétend que les ouvriers qui travaillaient à la pyramide de Chéops mangèrent, pour 1600 talents d’argent, des radis, des oignon et de l'ail. Les laitues et le raisin sont appréciés, mais on ne connaît ni les oranges, ni les citrons, ni les bananes ; l’olivier et le pommier ont été introduits au temps des Hyksos. Un autre arbre à huile est cultivé : le moringa (peut-être aussi pour ses vertus médicinales ?).

Le lait est une véritable friandise, mais aussi le miel que les Égyptiens vont très loin dans le désert récolter dans les ruches des abeilles sauvages.

Le charbon de terre n’existe pas, on utilise du charbon de bois. On fait bouillir le bœuf et griller la volaille. On ne prépare que la quantité de farine nécessaire pour le pain de la journée. La pâte à pain est versée dans des moules coniques, mais on a toujours su faire cuire des galettes minces dans du sable brûlant.

La bière est la boisson nationale (orge ou froment et dattes), mais elle tourne souvent à l’aigre. Le vin est un don d’Osiris et on le transporte dans de grandes jarres. La qualité appréciée est la douceur, qui dépasse celle du miel.

Tout cela peut se terminer par des festins où l’on mange et on boit à satiété, et plus encore … tant qu’on est encore vivant. Après les repas, les distractions préférées sont le jeu de dames. Les garçons préfèrent les sauts d’obstacles, les filles les jeux d’adresse ou la danse. Enfin tout se termine par de la musique et des histoires de magiciens.

5 - LA VIE À LA CAMPAGNE


Pour le scribe, tous les métiers manuels sont méprisables, mais le métier d’agriculteur est le pire de tous. Les Grecs qui visitent l’Égypte pensent autrement. Par exemple Diodore : "En général, chez les autres peuples, l’agriculture demande de grandes dépenses et bien des soins. Ce n’est que chez les Égyptiens qu’elle est exercée avec peu de moyens et de travail. »


 L’irrigation : l’invention du chadouf a bien arrangé les choses. Le chadouf apparaît en Mésopotamie dès le millénaire avant notre ère. Il est ensuite employé en Égypte à partir du Nouvel Empire, vers -1500, après un changement climatique à la fin de l'Ancien Empire. Les crues baissant et les pluies se raréfiant, les Égyptiens ont été contraints de mettre au point un système d'irrigation sophistiqué afin de permettre un arrosage suffisant des champs.


 Vous ne manquerez pas de regarder avec la plus grande curiosité le site de Jean-Claude Aimé :

http://www.aime-free.com/article-maillons-essentiels-de-l-economie-1-en-egypte-ancienne-118122362.html

Les paysans égyptiens sont principalement des laboureurs. Dès que le Nil est rentré dans son lit, il faut profiter des jours où la terre, encore molle de l’inondation, se laisse facilement travailler. Ce sont des vaches - jamais des bœufs - qui sont employées pour les labours, car les bœufs sont réservés pour les enterrements ou pour tirer de gros blocs de pierre. Pour les terrains trop mous, on y lâche un troupeau de moutons.




Les paysans moissonnent à la faucille en coupant les épis très haut. Puis les épis sont répandus sur l’aire bien damée. Pendant que les bœufs piétinent, les hommes remuent les épis avec leurs fourches. Puis le scribe fait le décompte des mesures de blé.

Vendanges
 Un proverbe « stakhanoviste » : « Celui qui marche en pleurant quand il porte la semence, revient avec allégresse quand il porte ses gerbes », d’autant plus qu’une partie des gerbes est offerte aux dieux. Mais tout ne va pas pour le mieux : à savoir les « plaies d’Égypte ». La septième est le tonnerre et la grêle, la huitième ce sont les sauterelles. Mais il y a aussi de bonnes affaires, comme les nuages de cailles, à condition de les capturer avant qu’elles ne dévastent les moissons. Et toujours on fait des offrandes aux dieux. Du temps de Ramsès III, Amon a reçu une offrande de 22 000 cailles.

Les pasteurs préfèrent les chèvres aux moutons. Les chevaux apparaîtront nettement plus tard, d’autant plus que les Égyptiens ne se sentent pas une vocation de cavalier. Le Nil laisse après sa crue des zones de marais, qui couvrent une grande partie de la vallée où poussent des papyrus hauts et denses. Là-dedans, les crocodiles font la chasse aux hippopotames. C’est le paradis des chasseurs et des pêcheurs en barques faites en fibres de papyrus.

Dans le désert, la chasse est le passe-temps des nobles qui collectionnent les cornes d’oryx, les œufs et les plumes d’autruches, et le miel abondant. La méthode de chasse est classique. On attire les animaux dans un piège au fond d’une vallée encaissée, ou alors on les poursuit en char rapide.



6 - LES ARTS ET LES MÉTIERS 




À titre indicatif, il faut sept mois pour la fabrication et la pose d’un obélisque. Or un jour, on a trouvé un bloc de dimension très supérieure à celle d’un obélisque. Dans l’excitation du moment, on en a fait une statue colossale en l’honneur de « Ramsès le dieu ». C’est que la recherche des blocs de qualité nécessite toute une expédition : pour rapporter du schiste gréseux noir (bekhen), Ramsès III ne rassemble pas moins de 10 000 hommes, dont 5 000 soldats, et 20 scribes. Les blocs repérés sur les collines sont roulés, mais un scribe ingénieur invente le plan incliné, qui permet une descente sans casse.

Il y a aussi des mines d’or. Mais l’expédition en Nubie n’est pas une sinécure : la soif décime parfois jusqu’à la moitié de l’effectif. Il faut aussi creuser des puits sous peine de mourir de soif. L’or est considéré comme « la chair des dieux », donc on construit des temple pour abriter la poudre d’or. Le métal est d’abord offert aux dieux ... avant d’intégrer le trésor royal.






 L’artisanat est très dynamique : métal, bois, cuir, albâtre sont les matières premières. Les plus beaux objets sont décrits dans des catalogues illustrés de cadeaux offerts au roi à l’occasion du nouvel an.


En ce qui concerne les ouvriers des multiples corporations qui travaillent pour le souverain, celui-ci veut des monuments qui défient l’éternité, et il veut que ses artistes soient bien nourris et bien habillés, qu’ils soient heureux de travailler pour un souverain libéral. Mais pas question de les gratifier comme les hauts fonctionnaires, les courtisans et les grands prêtres. Pire : un scribe dit d’un forgeron : « ses doigts sont comme des choses de crocodile. Il pue plus que les œufs de poisson. »

De temps en temps, poussés par la faim, les ouvriers menacent de faire grève. Alors les magistrats convoquent un scribe comptable pour qu’on donne des grains aux ouvriers.

En matière de commerce, l’unité monétaire est le chât. Mais cette monnaie n’est pas matérialisée par des pièces : chacun connaît la valeur de sa marchandise en châts, et cela suffit pour déclencher l’échange ; sous les Ramsès, l’unité devient le deben : un bœuf vaut de 30 à 130 deben. Quoiqu’il en soit, l’absence d’une monnaie véritable rend les transactions laborieuses.


 
7 - LES VOYAGES
 

Les Égyptiens voyagent beaucoup. Les routes sont aussi nombreuses que les canaux. Mais il n’y a pas de pont sur le Nil, qui se traverse facilement à la nage. L’Égyptien moyen voyage à pied, équipé d’un bâton, d’un pagne et de sandales, Les riches utilisent une chaise à porteurs. Ceux-ci aiment chanter : « Nous l’aimons mieux pleine que si elle était vide ». C’est trop top d’utiliser un char, mais surtout, autant que possible, on voyage en bateau remorqué par une barque motrice.

Il y a aussi l’organisation de grands voyages internationaux, à destination de Byblos ou du pays de Pount (le Yémen et l’Oman). La reine Hatchetsoup et Ramsès III ont ainsi organisé des traversées de la « grande verte » (l’océan indien) pour échanger des produits artisanaux contre du lapis lazuli ou de l’encens. Mais il y a des risques : quand le voyageur rencontre un soldat, celui-ci peut le détrousser. 


Chaque fois qu’on creuse un canal, les déblais servent à construire des pistes hors d’eau. Mais les ponts n’existant pas, les voyageurs (qui savent nager) traversent par leurs propres moyens s’il n’y avait pas de passeur. 



 Les barques destinées à remonter le Nil jusqu’en Nubie sont de véritables maisons flottantes, avec deux gouvernails, à bâbord et à tribord. Les passagers logent dans une grande cabine centrale prolongée par un box pour les chevaux. En revanche le désert inspire de la crainte et du respect. Les prédateurs sont le loup, la panthère et le léopard. Si on y ajoute les serpents et les tribus de Bédouins hostiles et la possibilité de se perdre, c’est pourquoi on se groupe en caravane et même le roi met en place des compagnies de policiers et d’archers pour veiller sur la  sécurité des caravanes. 


8 - LE PHARAON

L’art de faire vivre les hommes en société obéit en Égypte à des règles particulières : si les dieux établissent comme souverain « Vie, Santé, Force », le pays connait la paix et la prospérité ; mais tout change si cette condition n’est pas remplie : il n’y a plus d’autorité, parce que tout le monde veut commander. Bientôt, honte suprême, l’étranger est le maître. Le premier devoir de Pharaon est donc de témoigner sa reconnaissance aux dieux, seigneurs de toutes choses.


Sa mission principale est de témoigner sa reconnaissance aux dieux. Par exemple Ramsès II déclenche l’enthousiasme en restaurant le sanctuaire d’Abydos. Ce faisant, il achète la paix dans le pays. Sa tenue vestimentaire est classique : barbe postiche et pagne royal plissé. Ses prérogatives sont, entre autres, le droit de grâce et de récompense royale, ainsi que la réception des ambassadeurs étrangers. Il doit également s’entraîner à la guerre, mieux que quiconque : chasse à l’improviste d’un troupeau de 300 éléphants furieux, tir à l’arc le plus robuste qui soit.

Coté familial, pas de problème. Ramsès II a eu 5 femmes officielles, et 197 enfants !



 Respecter les temples, les restaurer s’il y a lieu, faire participer les élites à ce programme. Par ce moyen, Pharaon achète la paix sociale dans son pays, et ceux qui auraient  pu troubler l’ordre ont tout intérêt à le maintenir.



 Le roi ne paraît jamais tête nue en public et, même dans l’intimité, porte presque toujours une coiffure : la couronne du sud consiste en un haut bonnet qui s’amincit vers le haut et se termine par un renflement. La couronne du nord est un mortier prolongé en arrière par une tige rigide, tandis qu’un ruban de métal, partant de la base de cette tige, s’avance en décrivant une spirale. L’ensemble est complété par une barbe postiche : l’immobilité est le plus beau mouvement du roi.

Un courtisan a défini Pharaon : « Celui qui multiplie les biens, qui sait donner. » Il y a de nombreuses cérémonies de récompense.



9 - L'ARMÉE ET LA GUERRE

Le principe de la guerre est de faire du butin et de se le partager. Les soldats, bien nourris et bien équipés, se transmettent la tradition de père en fils. Outre les soldats égyptiens, Pharaon a créé une légion étrangère de Syriens, de Libyens, de nègres et de Hittites, puis de prisonniers de toutes sortes. Pour faire la guerre, le roi prend l’avis de ses conseillers. Par ailleurs, les chefs des pays sont très écrivassiers : ils s’envoient des énigmes, des menaces, des réclamations, des plaintes. Quand la décision de s’en aller en guerre est prise, on fait une distribution solennelle des armes, et on part en campagne, sans tricher, dans la mesure où on annonce à son adversaire le lieu et l’heure de la bataille.




Une mention spéciale doit être faite pour la bataille de Kadesh, où Pharaon faillit perdre la vie, et a fait preuve d’un courage extrême ; il a transformé la défaite en victoire avec l’aide de son bataillon de Sardanes. Les chefs ennemis sont alors juchés sur des ânes, la tête face à la queue de leur monture.


10 - SCRIBES ET JUGES

Les scribes sont des comptables, mais aussi des ingénieurs « polytechniciens ». D’abord comptables du trésor public, mais il faut toujours plus de scribes pour lever les impôts, pour les transporter, pour encadrer les esclaves, pour entretenir les canaux et les chemins, les quais et les entrepôts. La loi prévoit que le fonctionnaire désobéissant sera privé de son emploi et puni sévèrement, et qu’il sera, en outre, puni dans ses enfants, qui seront réduits à des conditions manuelles ou serviles.





 De plus, tout magistrat convaincu d’avoir abusé de sa charge est condamné à avoir le nez coupé et est déporté dans un camp de concentration situé dans l’isthme de Suez ! Mais sous les derniers Ramsès, les pillages prennent une proportion effarante, sans que la police intervienne de façon efficace. La tombe de Toutankhamon est à peu près la seule à être épargnée ; pour les autres, tout le monde s’y met, y compris les prêtres et les scribes.

11 - L’ACTIVITÉ DANS LES TEMPLES

Il y a beaucoup de dieux, le plus souvent avec une tête d’animal. Parfois les temples donnent accès à plusieurs dieux. Les prêtres sont presque tous fils de prêtres. Le culte rendu dans tous les temples d’Égypte, au nom de Pharaon et à ses frais, est un acte secret, sans participation du public. Le prêtre fait la toilette du dieu, le parfume, pose devant lui les éléments d’un repas. Après les dernières purifications, le prêtre se retire à reculons, et en effaçant la trace de ses pas.



Karnak
En échange, le dieu fait à Pharaon le don de la vie, et le peuple est content que tout se passe bien. Quelquefois le dieu sort de son temple (ou plutôt sa statue) et cela donne lieu à de grandes fêtes où l’on boit beaucoup. Par exemple la fête d’Opet à Amon a lieu pendant la crue du Nil, et tout le peuple se déplace en bateau. Les dieux sont placés sur de lourds vaisseaux sacrés qu’il faut remorquer au son des tambourins. Le peuple en a plein les yeux. En plus les fêtes comportent des représentations théâtrales.


Temple d'Isis

Le temple est aussi connu comme la « maison de vie ». Non seulement on y conserve les traditions religieuses, mais on y enregistre les découvertes scientifiques et les progrès techniques. C’est aussi un centre économique et culturel. Il y a des entrepôts, des écoles, une bibliothèque. Ainsi Platon a pu y rencontrer des savants et des philosophes.

12 - LES FUNÉRAILLES

La vieillesse est l’âge de la laideur, de la débilité physique et morale. Le vieillard qui, à force de soins, a conservé l’aspect d’un jeune homme, et dont les facultés sont demeurées intactes, excite l’admiration universelle. Dans l’ensemble, l’Égypte est un pays où il fait bon vivre vieux. Mais il n’est pas inutile de préparer son tombeau. À son entrée dans l’autre monde, une épreuve attend le défunt : le "pèsement" des actions. Le Livre des Morts explique comment tout  cela se passe : on doit plaider sa cause devant un tribunal pour obtenir d’être déchargé de ses péchés.

Ceci dit, le tombeau est la maison d’éternité, dont l’entrée doit être tenue secrète. Le sarcophage est la pièce principale du mobilier funéraire, qui peut être énorme comme celui de Toutankhamon. 




Et on y place quantité de petites statues, les ouchebti, pour faire les travaux ménagers et agrestes à la place du défunt. Il faut ensuite procéder à l’embaument : on enlève les organes pour les mettre dans les quatre vases canopes, et on les remplace par des aromates. On sale ensuite le corps avec du natron. Au bout de deux mois, on enveloppe le corps avec des bandelettes, puis on pare la momie avec des bijoux, en n’oubliant pas de mettre entre ses jambes un exemplaire du Livre des Morts.

Le cortège traverse ensuite le Nil pour gagner la montagne. Les pleureuses donnent de la voix. Les explosions de douleur redoublent. On mure la porte du caveau, et la famille et les amis partagent un repas funéraire au son de la harpe, sans se douter que les descendant des Barbares « qui ne connaissent pas l’Égypte » viendront explorer leur nécropole pour en découvrir les secrets.