MAMELUKS D'EGYPTE




 Modification 1 le 21 janvier 2015 : Extrait du tableau de la Bataille des Pyramides

Que voilà un beau livre, à tirage limité, conservé précieusement à la Bibliothèque de l'Académie des Sciences d'Outre-mer !

Inutile de venir le consulter, vous l'avez ici sous les yeux, ou presque. Mameluks ou Mamelouks, c'est quasiment la même chose.

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En juillet 1798, Mourad Bey, l'un des deux chefs des Mameluks, a du mal à réprimer son fou rire en répondant aux craintes du consul d'Autriche Alexandre Charles Rossetti qui évoquait l'imminence d'une invasion française :
- Que voulez-vous que nous ayons à craindre de ces gens-là, surtout s'ils sont comme les kaouadjis que nous avons ici ? Quand il en débarquerait 100 000, il me suffirait d'envoyer à leur rencontre les jeunes élèves Mameluks qui leur couperaient la tête avec le tranchant de leurs étriers".




Mourad Bey

Mais voilà : une immense armée d'infanterie française débarque, forte d'un génie militaire qui a progressé sans cesse depuis les Croisades, face à un Orient endormi : la fin de l'histoire conduit Mourad en haut de la pyramide de Chéops contempler ce qu'il a perdu. Il murmure : Allah kermi (Dieu est grand).

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Jeune Mameluk


En 1230, un sultan achète aux Mongols de Gengis-Khan douze mille jeunes Circasiens, Mingréliens et Abrazes. D'où le nom de Mameluk : "homme ou esclave acheté". Ils sont fort utiles pour vaincre Saint Louis à la bataille de Mansourah (vous savez, l'assaut engagé témérairement par le frère de Saint Louis, et où s'est sacrifié le contingent breton pour sauver l'honneur).




En 1517, Sélim Ier chasse les Mameluks de Syrie et envahit l'Egypte. Il divise pour régner en mettant en place 24 beys, coiffés par un Pacha et une assemblée qui obéit directement les ordres de la (sublime) Porte. Son fils, Soliman le Magnifique complète le dispositif.

En 1767, Ali Bey se fait proclamer par le Chérif de la Mecque "grand sultan d'Egypte et dominateur des deux mers". Et nous voilà en 1797, époque où Mourad et Ibrahim sont les maîtres de l'Egypte, et font subir toutes sortes de sévices aux négociants français en particulier, en dépit de tous les traités précédemment signés. La République n'accepte plus la ruine de nos maisons de commerce. C'est l'origine de l'expédition d'Egypte, qui est aussi une compensation à la perte de nos colonies des Indes et d'Amérique.

Le jeune général Napoléon Bonaparte est chargé d'organiser et de commander cette expédition. Il a lu cet écrit de Volney daté de 1787 : "La souveraineté n'est pas pour eux (les chefs Mameluks) l'art difficile de diriger vers un but commun les passions diverses d'une société nombreuse, mais seulement un moyen d'avoir plus de femmes, de bijoux, de chevaux, d'esclaves et de satisfaire leurs fantaisies".

Revenons au Mameluk moyen, qui est un guerrier de profession. Habillé de vêtements amples, il se moque de ses adversaires français :"Comment, vous aviez donc bien peu de drap pour l'avoir mesuré à ce point !


Cet habillement est favorable pour amortir les coups de sabre, mais devient un handicap lorsque le cavalier est désarçonné. Les couleurs vives sont les plus estimées. Poignards, pistolets, tromblons à 12 coups sont complétés par une hache ou un marteau d'arme ou un court javelot. Reste le sabre, qui est terrible; il est conçu comme une scie qui peut couper en deux un corps, et occasionné des blessures béantes. C'est une lame en acier de Damas à double couche, fragile mais très performant. À l'entraînement, les Mameluks arrivent à trancher un morceau d'étoffe lancé en l'air.

La tactique est de se précipiter en désordre vers l'ennemi pour le massacrer. Sinon, c'est la fuite. L'étendard est le tout, une queue de cheval attaché à une lance surmontée d'une pomme en cuivre. Dès que le toug est brandi, c'est la déclaration de guerre. Le sultan a droit à neuf tougs, le  bey à un seul.



Porteur de toug
 
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Dès 1792, on estime en France "qu'il n'y a que l'appareil de la force qui puisse ramener les beys au respect et au maintien de nos traités et capitulations". En deux mois et demi, les préparatifs sont improvisés : 400 transports convoyés par 37 navires de guerre sont chargés de 37 000 hommes et seulement 300 chevaux. En Egypte les attendent 10 000 hommes servis par 25 000 fellahs et des cavaliers arabo-bédouins.
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La tactique de Bonaparte est de former des bataillons en carrés hérissés de fer. Inconvénient, toute célérité militaire devient impossible. Et c'est la bataille de CHOBRAKIT, le 13 juillet, près du Nil où se trouve une flottille française chargée de vivres et de munitions. L'aube se lève au chant de la Marseillaise. Les Mameluks se précipitent vainement  contre les bastions français. Leur défaite est assurée, accompagnée d'un riche butin. Mourad ne peut expliquer cette défaite qu'il attribue à un sortilège : "Le Sultan français était un sorcier qui tenait ses soldats liés par une corde".





 Une étape très dure conduit l'armée française aux Pyramides. les feux du soleil étaient plus terribles que ceux de l'ennemi. La soif faisait des ravages si on n'avait pas recours à la "Sainte Pastèque". Bonaparte caracole face à son armée et désigne les Pyramides que dore le soleil levant "Soldats, quarante siècles vous regardent".



Bataille des Pyramides


En face une immense armée s'approche, de quelque soixante mille hommes dont le fer de lance est six mille Mameluks. Vivant Denon, un artiste qui fait partie de l'expédition, pense : "Mourad bey va nous tailler comme des citrouilles". Mourad attaque les troupes de Desaix et Regnier. Son assaut disparait dans un immense nuage de poussière et de fumée.




 Quand le nuage se dissipe, Mourad bey a fait retraite et a mis le feu à sa flottille. Le butin est immense, en particulier les vêtements richement décorés des Mameluks. Bonaparte dormira au palais de Mourad.

Celui-ci fuit avec six cents de ses fidèles, mais il reste encore un danger. Bonaparte crée une cavalerie montée sur les chevaux pris à l'ennemi. La chaleur est étouffante, les chevaux sont fatigués. Alors le chef des Arabes, qui n'aiment pas les Mameluks propose un hallali en commun, avec un partage final du butin … La mêlée est confuse, Bonaparte y participe personnellement. "Je n'ai jamais vu de bravoure pareille à celle des Mameluks". Le sultan Ibrahim est rejeté d'Egypte.

Et c'est la bataille finale de SEDIMAN le 9 octobre. Les petits carrés français de devant, harcelés par la cavalerie, s'aplatissent à terre pour permettre aux grands carrés de faire feu. Quant aux Mameluks, ils tournent leurs chevaux vers l'arrière pour rompre la ligne par leurs ruades … 




Bataille gagnée, l'armée française fait route vers Denderah. Devant le temple d'Athor, les troupes présentent spontanément les armes.




Pendant ce temps, au Caire, Setti Nefizeh, la femme de Mourad, amie des Français, prépare la réconciliation. Mourad et Kleber s'embrassent, on échange les cadeaux, on festoie. Mourad harangue les chefs de village : "Je suis actuellement un sultan français. Les Français et moi ne faisons qu'un".

Dans le prochain article : les Mameluks deviennent le "fer de lance" de l'armée française.





Chanson composée par les habitants du Caire au retour de BONAPARTE de la campagne de Syrie :

Tu nous a fait soupirer par ton absence,
ô Général en Chef, qui prend le café avec du sucre
et dont les soldats ivres parcourent la ville
pour chercher les femmes !
Salut!

Tu nous a fait soupirer par ton absence,
ô Général charmant, et dont les joues sont si agréables,
toi dont le glaive a frappé dans la capitale de l'Egypte
les Turcs et les Arabes !
Salut!

Tu nous a fait soupiré par ton absence,
Représentant de la République, si charmant et dont
la chevelure est si belle !
Depuis le jour où tu es entré au Caire,
cette ville a brillé d'une lumière semblable
à celle d'une lampe de cristal.
Salut !

Ô Représentant de la République,
les soldats pleins de joie courent de toutes parts
pour frapper les Turcs et les Arabes.
Salut Bonaparte ! Salut, roi de paix !
Salut !


Recueilli par M. Vanneau et publié dans la "Description de l'Egypte".