OMAN ET LA MER : LE LIVRET DE L'EXPOSITION

 Création le 17 avril 2014

Ce serait dommage de laisser disparaître l'exposition et son livret sans en faire profiter un maximum d'internautes dont la seule malchance aura été de ne pas se trouver à Paris à ce moment. Nous publierons très bientôt des illustrations du livret avec l'aimable autorisation de son Excellence l'Ambassadeur d'Oman en France.

Sa Majesté le Sultan d'Oman, dans la présentation du livret, espère que cette exposition participera à transmettre les connaissances et à approfondir le rapprochement et l'entente entre les civilisations. On ne pourrait mieux également présenter notre article.



Routes maritimes 2500 ans avant J.-C.

Routes maritimes 800 ans avant J.-C.


Pendant des millénaires, Oman a été un trait d'union maritime entre l'Asie et le Moyen-Orient, avec discrétion, mais avec efficacité. En unifiant des peuples de cultures différentes au sein d'une même communauté religieuse, l'Islam allait faciliter le partenariat dans de nombreux domaines scientifiques et technologiques, et en particulier dans l'étude de la navigation de manière scientifique, et par l'utilisation de manuels ( "rahmanis" ) dans une contrée de tradition orale.

Profitant du très grand intérêt manifesté au XIX ème siècle par un amiral français, l'Amiral Pâris, pour les voies et moyens de naviguer transmis de génération en génération par les Omanais, le Sultanat d'Oman a proposé à l'un de ses descendant de mettre les pas dans ceux de son ancêtre. Comment ne pas accepter !



Pour avoir fait trois fois le tour du monde, l'Amiral Pâris était bien étonné de voir que les embarcations d'Arabie étaient construites "à l'envers" par rapport aux méthodes européennes : on commençait par assembler les planches du navire en les courbant ou en les cintrant pour former la coque ; c'était ensuite seulement qu'on insérait le squelette de la charpente pour soutenir l'ensemble !



 
Mieux, les planches étaient cousues avec des cordes en fibre de jute ou de coco. Ou alors on pouvait naviguer sur des embarcations en roseau bitumé. Bref, du n'importe quoi, mais qui a fonctionné parfaitement pendant des millénaires. C'était toute la matière pour élaborer un essai sur la construction navale des peuples extra européens.

Il fallait d'abord classifier les bateaux, non par leur gréement, mais par leur zone d'utilisation : Golfe ou mer Rouge, pêche ou commerce, voire style de la poupe. Le tout illustré de dessins artistiques. Il fallait ensuite s'efforcer de répondre à toutes les questions que nous avons évoquées plus haut.

Mais tout d'abord un rappel historique. Depuis l'âge de bronze l'empire omanais occupait une superficie importante dans l'océan Indien. À partir de 300 avant JC, les Grecs, puis les Romains ont facilité des échanges avec les pays de la Méditerranée. L'expansion de l'islam a "gommé" le haut moyen âge européen, mais la fin du XV ème siècle est celle du retour des Européens, en particulier les Portugais ( Vasco de Gama ). Après s'y être opposés avec succès, les Omanais adoptèrent une stratégie pragmatique d'ouverture, avec, bien sûr, une révolution dans la construction navale.

L'Oman d'aujourd'hui s'est construit des ports internationaux et met en valeur le savoir-faire de ses nationaux, dans un esprit d'ouverture économique et d'approche tolérante de l'Islam, comme en témoigne un fort sentiment d'unité nationale.

LES PREMIERS NAVIGATEURS


Les eaux chaudes de la Mer d'Oman sont un lieu de prédilection pour le thon, le mérou et la dorade et encouragent les traditions halieutiques.

Ensuite les voyages maritimes, depuis des dizaines de millénaires, ont constitué le moyen le plus rapide et le plus efficace pour se déplacer sur de longues distances.

Enfin, l'occasion des voyages a permis l'échange de produits exotiques de part et d'autre. Les fouilles archéologiques ont attesté tout cela.

Les Grecs, qui s'intéressent à la navigation, font des expéditions - les périples - de découverte. Ainsi les Sabéens sont renommés pour être "les agents pour tout ce qui concerne le transport à partir de l'Asie et de l'Europe". Muza, un port du Yemen " fourmille d'armateurs et de marins arabes, animés par les affaires commerciales, car ils pratiquent un commerce avec la côte lointaine …" Et à propos du port de Cana "tout l'encens produit dans le pays y est acheminé, à dos de chameau ou sur des radeaux d'outres et  des bateaux locaux, afin d'être vendu au marché".

LA CONSTRUCTION TRADITIONNELLE


Coque cousue avec des fibres végétales, voiles carrées ( idéales pour naviguer vent en poupe ), présence simultanée de deux commandes de direction ( rame de gouverne et gouvernail médian ) ne satisfont pas Marco Polo qui tranche "La ficelle se conserve bien et ne rouille pas dans l'eau de mer mais elle ne résistera pas bien à une tempête. Une traversé à bord de l'un de ces navires représente une entreprise périlleuse".

Et pourtant les planches cousues sont plus souples sous l'action des vagues et sont plus faciles à réparer. Un mélange de graisse de chèvre et de chaux protège le bois contre les plantes aquatiques et les tarets. Le tout est peint avec plusieurs couches d'huile de poisson. Les voiles sont faites en toile de coton ou en nattes de palmier.













L'ART DE LA NAVIGATION

La culture omanaise, comme la culture arabe en général, se transmet principalement par l'oral, par exemple sous forme de poème ou de chanson récitée. On a assisté à un âge d'or de l'érudition quand l'Islam a réuni des centres historiques de civilisation, en préservant des textes anciens chrétiens, perses, indiens et grecs, en les traduisant, les commentant et les thésaurisant. Le livre clé  d'Ibn Majid, "le livre d'information utile sur les principes et les règles de la navigation" est le plus grand recueil sur les traditions de navigation arabe jamais écrit.



Le système de navigation était basé sur les étoiles, plus précis mais plus sophistiqué que les techniques européennes basées sur le soleil. Le kamal et la boussole constituaient des instruments essentiels.  Le kamal "morceau de bois" était un rectangle de bois avec une longueur de bras de ficelle enfilée au milieu, et permettant de mesurer la distance entre une étoile et la ligne d'horizon. On faisait un nœud en fin de mesure ; ce nœud représentait la latitude de l'endroit précis où l'étoile polaire était à quatre, ou huit ou douze doigts au-dessus de l'horizon. Les marins pouvaient retrouver une route précise sans calculs. Quant à la boussole, c'était un héritage de la Chine au IX ou X ème siècle.

Il fallait une connaissance pointue des moussons saisonnières. Le nom "mousson" dériverait de l'arabe, via le portugais. Il faut dire que que jusqu'au  XIII ème siècle, les navires marchands n'étaient pas pontés, et les bourrasques exigeaient que les marins écopent en permanence. Sans parler des pirates : dans le détroit de Malacca, la période de mousson d'août à octobre était connue comme la "saison des pirates" !

LE COMMERCE DANS L'OCÉAN INDIEN

Avec la montée du commerce de l'encens, la région arabique méridionale de l'Hadramaout, au sud du Yémen, ainsi que le Dhofar dans le sud d'Oman, sont devenus particulièrement florissants.

Les fouilles dans le port de Sumhuram, fondé avant l'arrivée des Romains en Egypte, ont mis à jour plus de 360 amphores venant d'Egypte, de Chypre et de Crète. Ce port a dû servir de point de transbordement pour l'encens, mieux un centre de distribution dans le "commerce triangulaire" entre l'Inde, l'Afrique du Sud et l'Egypte, voire une halte pour attendre la fin d'une mousson mal prévue.

Et ces pays lointains, comme le Waqwaq, à l'est de la Chine, où l'or et l'ébène sont si abondants que les tuniques sont tissées d'or et que les habitants mettent des chaînes et des colliers en or à leurs chiens et à leurs singes … C'est dans le "Livre des Routes et des Royaumes" du géographe persan Ibn Khordadbeh.

Des voyageurs intrépides, comme Ibn Battuta ou Marco Polo font des relations de voyage … Et se répand dans les milieux portugais l'adage selon lequel "Si le monde était un anneau d'or, Ormuz en serait le joyau".

Il ne faut pas oublier  Sindbad le Marin. Vers la fin de la 536 ème nuit, Shéhérazade débute l'histoire de Sindbad : à l'époque de Haroun al-Rashid, calife de Bagdad, un pauvre livreur du nom de Hindbad prend une pause sur un banc près de la grille de la maison d'un riche marchand. Alors qu'il se plaint à Allah des injustices d'un monde qui permet aux riches de vivre pleinement alors que lui doit travailler d'arrache-pied et demeurer pauvre, le propriétaire des lieux l'entend et l'envoie chercher. Le riche Sindbad dit au pauvre Hindbad qu'il est devenu riche par la chance, au cours de ses sept voyages fantastiques qu'il va maintenant raconter.

La vie à bord : Cela pouvait prendre deux à trois mois pour faire la traversée d'Oman jusqu'en Inde. Le marin était au pouvoir et au caprice de la nature. Il fallait vivre des provisions embarquées, passer son temps à réparer, à écoper, assurer les veilles pour éviter les mauvaises rencontres, se distraire par des contes, des chansons ou des prières.







NAVIGUER VERS L'AVENIR

EN 1497, l'explorateur portugais Vasco de Gama appareille de Lisbonne, cherchant à prouver que l'on pouvait atteindre l'Inde par la mer. En 1498, la flotte de quatre navires, d'après la légende populaire, s'en remet à un pilote émanais, Ahmed Ibn Majid, mais il paraît que ce n'est pas si vrai que cela.

Quoiqu'il en soit, les Portugais allaient établir par la force des armes un empire maritime des Indes qu'ils superviseraient de Goa, en Inde occidentale. Ils rentrèrent aussi en conflit avec les Hollandais, les Français, les Anglais … Mais les dirigeants émanais se construisent une flotte de guerre, avec navires et canons de type européen, et même des marins européens.

Les relations avec la France remontent au milieu du XVII ème siècle après l'expulsion des Portugais en 1650. La Compagnie française des Indes Orientales s'est d'abord établie à Mascate dans les années 1660. Mascate devient une sorte de port franc. Même si la présence commerciale britannique était partie pour durer, Oman jugera nécessaire d'entretenir des relations avec la France, en partie à cause de la sécurité commerciale assurée par l'économie de l'Isle de France. Sur fond de rivalité franco-britannique, la politique omanaise tentait d'éviter d'en faire les frais. À l'aube des années 1840, le rayonnement d'Oman dans la région avait taillé un vaste empire de Bandar Abbas à Zanzibar.

Pendant ce temps-là, la France avait gagné des territoires à Madagascar et dans les Comores. Les intérêts communs conduisirent à un traité commercial ratifié en 1846. Une mission diplomatique omanaise fut accueillie par Louis-Napoléon Bonaparte. En 1894, Paris établit un consulat français.

Mais les États Unis d'Amérique entrent en scène en 1833 avec un traité " d'amitié et de commerce". Débute une curieuse histoire de lion et de lionne offert au Président des États Unis par le Sultan du Maroc. La Constitution américaine refusant de recevoir de tels cadeaux, le représentant marocain, devant l'insulte craignait d'être décapité par sa hiérarchie et menaçait de lâcher les lions dans la rue. Au même moment, l'Oman faisait la même chose avec des chevaux. Conscients des implications diplomatiques à venir, les Américains créèrent une Institution chargée de vendre les animaux et de consacrer le produit de la vente à l'Office américain des brevets et des marques. La rumeur veut qu'une partie de cet or ait été perdue …

L'Oman contemporain commence par être "isolationniste", mais la découverte d'hydrocarbures change la donne. L'histoire moderne d'Oman est généralement considérée comme ayant débuté avec l'accession au trône de Sa Majesté le Sultan Qabous en 1970.

La politique du Sultan Qabous s'est efforcée de moderniser les pratiques traditionnelles d'Oman pour les adapter au contexte actuel sans perdre l'intégrité des siècles d'expérience, de connaissance et de sagesse. De plus, la position stratégique d'Oman au détroit d'Ormuz lui donne des responsabilités internationales en matière de sécurité.

La relation d'Oman avec la mer est donc tissée dans la trame de son histoire, de son patrimoine et de l'identité de son peuple. Que ce soit directement ou indirectement, consciemment ou non, la mer a façonné Oman et Oman, à son tour, a transformé la mer. Ce partenariat, cette amitié, cet amour reçu en héritage : voilà ce qui définit Oman et la mer.