Création le 28 novembre 2013
L'Illustre Magicien est l'une des six "Nouvelles asiatiques" d'Arthur de Gobineau. Au moment où l'Iran est à l'ordre du jour en raison de l'accord en CDD (contrat à durée déterminée) sur ses options nucléaires, cette nouvelle est une ode aux "petits vélos" mal placés des Iraniens et à la sublime douceur des Iraniennes.
Mais d'abord, qui est Gobineau ?
Arthur de Gobineau est né en 1816 dans une famille de noblesse de robe d'origine bordelaise. De 1833 à 1835, Gobineau fréquente le collège royal de Lorient, dont il semble avoir été renvoyé pour indiscipline et pour les sympathies légitimistes de son père.
Fin septembre 1835, après avoir échoué au concours d'entrée à Saint-Cyr, il rêve de monter à Paris, ambitionnant une carrière littéraire, et étudiant la langue et la littérature persanes.
Au début de 1840, sa réussite l'autorise à développer plus librement ses projets littéraires. La protection de Tocqueville vaut à Gobineau une formidable accélération de sa carrière.
En juin 1849, lorsqu'il est nommé ministre des Affaires étrangères, Tocqueville se souvient de son protégé et en fait son chef de cabinet. Le gouvernement est renvoyé dès octobre par le président Louis-Napoléon Bonaparte, mais Gobineau est reclassé comme premier secrétaire de la légation de France à Berne : c'est le début de sa carrière diplomatique.
En décembre 1854, nommé premier secrétaire de la légation française en Perse, il se fait « plus Persan que les Persans ». Sa maîtrise de la langue, sa remarquable adaptation à des conditions de vie très exotiques lui apportent l'estime de la population et des notabilités locales.
En 1861, il est renvoyé en Perse, cette fois comme ministre de France de plein droit ...
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Venons-en aux faits, c'est à dire à l'histoire que l'auteur "tient du derviche Bagher, qui le tient d'Abdy-Khan, qui le tient lui-même de Loutfoullah Hindy, qui l'avait appris de Risa Bey, de Kirmanshah, et ce sont tous gens parfaitement connus et d'une véracité au-dessus de tout soupçon."
Il y a peu d'années, vivait à Damghan un jeune homme appelé Mirza Kassem, un excellent musulman, marié depuis peu avec la charmante Amynèh. De bonne bourgeoisie, Kassem n'a pas besoin de travailler pour vivre.
Au hasard d'une rue, il rencontre un derviche indien à qui il donne l'hospitalité. Description plus précise : maigre comme une pierre, noir comme une taupe, brûlé par mille soleils, vêtu seulement d'un pantalon de coton, la tête nue, couverte d'une forêt de cheveux ébouriffés, des yeux flamboyants, l'aspect sauvage, dur et sévère.
Et le derviche de se prendre d'amitié avec lui, et pour le mettre en confiance, lui montre quelques tours de magie dont il a le secret. À force de se concentrer, il met la main au feu, et la retire intacte. Puis il transforme quelques plombs de chasse en lingot d'or. La nuit se passe de révélation en révélation.
Kassem n'en croit pas ses yeux et va, à l'aube, chez le marchand vérifier que son lingot est bien en or pur. C'est oui ! Alors Kassem est saisi d'une force invisible qui le pousse à suivre le derviche qui vient de lui fausser compagnie. Il en parle à sa femme, Amynèh, et lui confie son intention de partir immédiatement à la recherche du derviche, et cela immédiatement et à jamais. La jeune femme est effondrée et demande au moins le délai d'un jour pour déménager chez la grande sœur de Kassem.
La sœur de Kassem, se fait fort de convaincre son frère d'abandonner sa lubie. Las ! Elle se heurte à un véritable mur …
Alors Kassem s'en va, protestant de son amour à Amynèh qui lui jure de lui rester fidèle. De ville en ville il suit à la trace le derviche, jusqu'à Bamyan, en Afghanistan, soit environ 2 000 kilomètres. Et là, oh stupeur, il le retrouve au fond d'une grotte, en train de faire ses dévotions. Le derviche avait prévu cette rencontre qui doit lui servir à on ne sait quoi, sauf si Kassem a quelque chose à se reprocher … Mais oui, c'est cela, c'est l'amour qu'il garde encore en permanence pour Amynèh.
Et c'est la cata : la voûte de la grotte s'effondre sur le derviche, et Kassem entend derrière lui une voie connue qui lui dit : "Kassem, viens !", "Kassem, viens !", "Kassem, viens !".
Amynèh était là, qui l'avait suivi, à son insu, pendant toute sa pérégrination.